Individus, populations, environnement, la santé est un des enjeux forts des sociétés contemporaines. C’est un domaine où les besoins en métrologie vont croissants, tels qu’en témoignent de nombreux travaux conduits par les laboratoires du Réseau national de métrologie française (RNMF).

En définissant et entretenant un système cohérent d’unités de mesure et leur dissémination : peser, mesure, compter… la métrologie permet à l’ensemble des activités humaines de reposer sur un système de références communes et utilisables par tous. C’est le sens de la Convention du mètre, signée en 1875, rien moins que le plus ancien traité diplomatique scientifique aujourd’hui en vigueur. Mais loin de se contenter d’assurer la pérennité et la justesse des unités fondamentales, les métrologues, en permanence, affinent, adaptent et renouvellent leurs outils au gré des enjeux et des défis de la société. Aujourd’hui, la santé est l’un de ceux-là. Et à l’évidence, la métrologie est l’une des clés de la « bonne » santé d’aujourd’hui et de demain. Ce qu’illustrent de nombreux travaux conduits ces dernières années par les laboratoires du RNMF.

Diagnostiquer, prévenir et traiter

Cela est notamment marquant dans le domaine du dosage des marqueurs biologiques. Cas typique, la maladie d’Alzheimer, souvent diagnostiquée trop tardivement et ce par des techniques peu fiables. Aujourd’hui, on considère que la protéine Tau, présente dans le liquide céphalorachidien, est un bon indicateur précoce de la maladie. Ainsi, les métrologues français travaillent sur des méthodes de dosage de cette protéine permettant d’assurer une plus grande comparabilité des mesures réalisées par les laboratoires d’analyses.   

Autre exemple relatifs aux risques cardiovasculaires ; Plusieurs travaux ont montré qu’ils seraient mieux cernés par un dosage de la partie protéique des lipoprotéines qui transportent le cholestérol dans le sang, en sus de leur partie lipidique. Le projet européen « CardioMet » s’inscrit dans cette logique et vise à mettre en place des méthodes de référence d’ordre supérieur pour le dosage de ces molécules. Dans ce cadre, les métrologues français préparent des matériaux de référence primaires traçables au Système International, sous la forme d’échantillons contenant des peptides.

Dans le cadre d’un autre projet, des biochimistes du laboratoire ont contribué à fiabiliser le dosage des hormones et substances apparentées dans le sérum humain d’une part et les matrices aqueuses d’autre part. Objectif : parvenir à doser 23 molécules ciblées et ce jusque dans des proportions infimes afin d’assurer qualité et comparabilité des mesures. Dans ce but, les scientifiques du LNE ont également mis au point des matériaux de référence pour l’étalonnage d’appareils de mesure en routine.

Ensuite, avec le projet européen « METVES 2 », le LNE développe une méthode de référence pour caractériser en taille et nombre des nanoparticules de silicium dans des matrices. Le but est d’offrir des matériaux pour l’étalonnage de dispositifs pour le dosage des vésicules extracellulaires. Ces entités nanométriques libérées par les cellules possèdent en effet un fort potentiel comme bio-marqueurs, en particulier du cancer.

Autre domaine où se nouent d’importantes problématiques de santé, celui de l’alimentation. Ainsi, le LNE participe actuellement à un projet visant à déterminer le devenir des nanoparticules de dioxyde de titane, le colorant E171, dans l’appareil digestif. Pour ce faire, les chercheurs ont conçu une méthode analytique pour mesurer la distribution en taille de ces nanoparticules dans les fluides gastro-intestinaux. Ils ont également réalisé des fluides modèles pour étudier le comportement des nanoparticules en leur sein.

Enfin, des scientifiques du LNE participent actuellement à plusieurs projets sur la sécurité des matériaux d’emballage au contact des aliments. En particulier le projet « PoLySafe » sur les effets biologiques des molécules migrants à partir des matériaux de substitution au plastique.  Il faut également citer le projet « FoodSafeBioPack » pour lequel le laboratoire réalise notamment des modélisations du relargage dans les aliments de substances issues d’emballages.

Dans le domaine du traitement pathologique, le LNE-LNHB* participe à un projet pour assurer la traçabilité dosimétrique d’appareils de radiothérapie équipés d’un système d’imagerie par résonance magnétique. Le fort champ magnétique de l’IRM (imagerie par résonance magnétique) de ces appareils actuellement en déploiement a en effet une influence sur les faisceaux et les instruments de mesure. Dans ce cadre, les chercheurs impliqués préparent notamment des références primaires et de transfert adaptées.

Enfin, dans le cadre du projet « MetAMMI », des scientifiques du LNE travaillent à la fiabilisation métrologique des méthodes d’impression 3D, très prometteuses pour la réalisation d’implants et de guides médicaux. Ils ont ainsi mis au point une méthode par résonance acoustique qui permet de tester de nombreuses pièces à la fois en les comparant par des méthodes statistiques.

Préserver l’environnement pour mieux protéger

Volet indispensable des enjeux de santé, l’environnement, dont il s’agit d’évaluer au plus juste la qualité afin de protéger les populations de la pollution, en particulier atmosphérique. Sur ce thème le LNE participe à de nombreux projets. Parmi eux, le projet européen « BlackCarbon » visait à mettre bon ordre dans la mesure de la contribution particulaire de carbone suie issu de l’industrie, du transport et plus généralement de la combustion. Dans ce cadre, les métrologues ont développé trois générateurs pour produire des aérosols de référence de carbone suie, et ont participé à des inter-comparaisons entre laboratoires.

Plus généralement, la précision des mesures de la concentration des aérosols est limitée par une sous-estimation de la contribution des plus petites particules. Pour y remédier, il faut pouvoir accéder à leur concentration en nombre, et plus seulement en masse, ce qui était l’objectif du projet « Aeromet ». Dans ce cadre, les chimistes du LNE ont notamment imaginé une chambre de simulation contenant un aérosol modèle représentatif de l’air ambiant pour l’étalonnage d’instruments de mesure.

Autre source de pollution, le dioxyde d’azote qui fait l’objet d’exigences réglementaires, mais dont la mesure était entachée de plusieurs biais. Le projet européen « MetNO2 » s’est attaché à ce défi. Son objectif était de concevoir une infrastructure complète pour la mesure de ce polluant. Les chimistes français ont ainsi conçu différents étalons de référence, soit sous la forme de mélange gazeux, soit sous la forme d’étalons dynamiques par perméation.  
Idem pour l’ammoniac atmosphérique d’origine agricole, dont la mesure souffrait d’un manque de traçabilité dans la gamme d’intérêt des très faibles fractions molaires. Pour y remédier, le LNE a mis en place un banc d’étalonnage dynamique des instruments de mesure, fondé sur le même procédé.

En parallèle, les chercheurs du LNE ont développé un banc pour l’évaluation de la performance de capteurs de pollution désormais déployés en grand nombre sur le territoire. De fait, si ceux-là mesurent désormais des concentrations atmosphériques particulaires et gazeuse en temps réel avec une résolution spatiotemporelle élevée, leur justesse et leur sélectivité pose question. Concrètement, il s’agit d’une chambre d’exposition dans laquelle il faut comparer les mesures réalisées par ces capteurs et celles réalisées en parallèle par des instruments de référence.

Enfin, les scientifiques du LNE-LNHB sont très actifs sur la métrologie de la radioactivité naturelle, en particulier celle du radon et du thoron, soit les deux sources principales de cette pollution. Dans le cadre du projet européen « MetroRADON », visant à accroître la traçabilité des mesures, les spécialistes des rayonnements ionisants ont ainsi développé un nouvel étalon pour la gamme des faibles activités typiques de l’environnement, soit entre 100 et 300 Bq/m3.

Ces sujets de recherches ne sont que quelques exemples des travaux menés au quotidien par les métrologues français qui œuvrent chaque jour pour mieux garantir un monde plus sûr grâce à la science de la mesure.

* LNE-LNHB/CEA : Laboratoire national Henri Becquerel au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, chargé de la réalisation des références dans le domaine des rayonnements ionisants, i.e. la dosimétrie et la radioactivité.