Le 7 février 2022, l’équipe « Interférométrie atomique et capteurs inertiels » du LNE-SYRTE (Observatoire de Paris – PSL – CNRS – Sorbonne Université, LNE) a publié un article dans Physical Review A (un journal de APS), en co-auteur avec l’équipe Quantum Sensors de la société iXblue, sur la mise en œuvre d’un nouvel instrument industriel, léger et robuste, permettant de mesurer simultanément l’accélération de la gravité et son gradient vertical. Les performances métrologiques, exceptionnelles pour un tel capteur de terrain, sont présentées ainsi que les différentes possibilités de mesure attendues. Une preuve que des recherches fondamentales en physique quantique et en métrologie peuvent se transformer en performance industrielle au profit de la compétitivité à l’échelle mondiale d’une entreprise française.

Démonstration d’un transfert réussi de recherches innovantes en métrologie

Le LNE-SYRTE exploite les techniques de l’interférométrie atomique et de détection de l’état quantique des atomes froids pour développer des étalons de fréquence (horloges atomiques) ou des étalons de gravimétrie et des capteurs inertiels.

Depuis les années 2000, le LNE-SYRTE développe des étalons de gravimétrie, initialement pour les besoins de la détermination de la constante de Planck avec l’expérience de la balance de Kibble. Pour mesurer l’accélération de la pesanteur (g) localement avec une exactitude de l’ordre de 10–8 g, il a alors mis au point un gravimètre à atomes froids (CAG) en utilisant des techniques d’interférométrie atomique, dont le laboratoire avait la maîtrise pour la réalisation d’horloges atomiques. Cet instrument est devenu l’étalon national pour la mesure absolue de g localement, atteignant désormais une incertitude de 10–9 g. Il a participé à plusieurs comparaisons nationales et internationales de gravimètres et permet de raccorder (étalonner) des gravimètres industriels.

Les performances de ce type d’instrument de laboratoire et l’évolution continue des technologies quantiques, optiques (lasers)… ont permis d’entrevoir la possibilité d’améliorer grandement les mesures de g, ou plutôt de variations ou d’écarts de g, réalisées couramment pour de multiples applications. Sur la base des travaux publiés et de l’expérience acquise par le LNE-SYRTE, la société Muquans (devenue depuis l’équipe Quantum Sensors de la société iXblue) a été créée pour concevoir et industrialiser des instruments de nouvelle génération. Le gravimètre quantique absolu (AQG) était né. Il est actuellement commercialisé dans le monde entier.

Ces instruments restant très sensibles aux vibrations de l’environnement, le LNE-SYRTE a développé des gravi-gradio-mètres pour mesurer simultanément g et son gradient vertical. Ce type d’instrument, unique en son genre, offre plusieurs avantages : le gradient est insensible aux vibrations locales enregistrées et l’accès à ces deux informations, g et son gradient vertical, permet de lever l’ambiguïté entre la détermination de la masse impliquée dans une variation de gravité et sa localisation.

Vers de nouvelles applications industrielles

Avec la sensibilité extrême de ces nouveaux instruments, de nouvelles applications sont apparues exploitant de très faibles variations de g (locale ou entre différentes positions) : détection de mouvements de fluide ou de plaque en sous-sol (niveau de la nappe phréatique, mouvement du magma, déplacement de plaques…) permettant d’explorer, de surveiller (mesure continue) et d’anticiper la survenue d’événements géophysiques. Afin de disposer de tels instruments à des endroits, parfois hostiles ou difficiles d’accès, l’équipe Quantum Sensors de la société iXblue a mis au point un nouveau type de gravimètre différentiel, plus compact, léger puisqu’il est transportable par deux personnes, et tout aussi performant comme l’attestent les dernières mesures publiées tout récemment dans le journal scientifique Physical Review. Et ce nouvel instrument présente la particularité supplémentaire de pouvoir accéder simultanément à la mesure de g et à son gradient vertical. Cette dernière mesure est réalisée avec une sensibilité extrême proche du bruit fondamental de projection quantique.

Ces mesures de terrain avec une telle sensibilité et une telle stabilité permettent de cartographier des champs de gravité de telle sorte qu’elle ouvre une nouvelle porte à de nouvelles applications en géophysique, en ingénierie civile, en navigation...

Tout cela a été possible grâce au travail en collaboration étroite avec l’équipe « Capteurs inertiels » du LNE-SYRTE et au transfert de savoir-faire et de connaissances les plus fondamentales acquises au cours de ces vingt dernières années par le laboratoire de recherche en métrologie du temps-fréquence.

Pour aller plus loin

Consulter l'article paru le 7 février 2022 : C. Janvier, V. Ménoret, B. Desruelle, S. Merlet, A. Landragin and F. Pereira dos Santos, « Compact differential gravimeter at the quantum projection-noise limit », Physical Review A, 105, 022801 (2022), DOI: 10.1103/PhysRevA.105.022801