Les PBDE constituent une famille de substances chimiques utilisées depuis presque 50 ans pour améliorer le comportement au feu de différents matériaux. Leur synthèse industrielle conduit à la formation de 209 congénères. Ces molécules sont commercialisées sous forme de trois mélanges de congénères désignés par le nom de l’espèce majoritaire qu’il contient : le pentabromodiphényléther (PeBDE), l’octabromodiphényléther (OBDE) et le décabromodiphényléther (DeBDE).

Objectifs

Être en mesure de répondre aux objectifs fixés par la Directive Cadre sur l’Eau (DCE, 2000/60/CE) et sa directive fille QA/QC (2008/105/CE)

Développer une méthode d’analyse de référence unique, reposant sur une méthode primaire associant la dilution isotopique à la spectrométrie de masse, pour tous les PBDE pertinents (BDE-28, -47, -100, -99, -154,- 153, -183 et -209) dans les matrices environnementales  (eau totale, matières en suspension, sédiments)

Résumé et premiers résultats

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D’après les chiffres issus de la Convention de Stockholm (2012), la production mondiale de PBDE a été estimée à plus de 1,3 millions de tonnes sur la période 1970-2005. Ces substances, détectées dans l’environnement dès la fin des années 70, présentent par ailleurs un caractère lipophile (6,64<log Kow<9,97) et une faible dégradabilité qui font d’eux des Polluants Organiques Persistants (POP), toxiques pour l’homme et l’environnement.

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Différents textes ont réglementé l’emploi des PBDE au cours des quinze dernières années (Directive 2003/11/CE, Directive 2002/95/CE dite «RoHS», …). Plus récemment, l’OBDE et le PeBDE ont rejoint la liste des substances chimiques interdites par la Convention de Stockholm (mai 2009). Malgré ces interdictions, les PBDE sont aujourd’hui encore rejetés dans l’environnement lors de l’utilisation et de l’élimination des articles en contenant. Ils sont notamment présents dans l’air, à des concentrations qui varient selon les pays de 0,015 à 103,49 pg/m3, et se retrouvent davantage dans les matières en suspension (MES) et les sédiments (0,09-1163 ng/g de matière sèche) que dans l’eau (0,09-3620 pg/L) du fait de leur faible solubilité. De nombreuses études ont également mis en évidence la présence de PBDE dans la biote et chez les mammifères terrestres avec une contamination due à la fois à l’exposition directe et à la bioaccumulation. L’évaluation de la concentration de ces substances chimiques dans l’environnement s’avère par conséquent nécessaire. Le PeBDE est d’ailleurs classé en tant que substance dangereuse prioritaire et les PBDE intégrés à l’annexe X de la directive 2000/60/CE, communément appelée Directive Cadre sur l’Eau (DCE). Au travers de la Directive QA/QC (2008/105/CE), la DCE a fixé des Normes de Qualité Environnementale (NQE) à ne pas dépasser, dans les eaux de surface pour les congénères constituant le PeBDE (BDE-28, BDE-47, BDE-99, BDE-100, BDE-153, et BDE-154) et prévoit que l’analyse porte sur l’eau totale, c’est-à-dire la fraction dissoute (fraction liquide pouvant contenir jusqu’à 0,5 g/L de MES ou fraction liquide après filtration) et la fraction particulaire (fraction solide après filtration). A ces critères s’ajoutent ceux données par la Directive QA/QC, qui fixe les exigences suivantes : 

  • les limites de quantification (LOQ) doivent être inférieures à 30 % de la valeur des NQE fixées,
  • l'incertitude de mesure à la NQE doit être inférieure ou égale à 50 %.

Cela conduit à des concentrations très faibles à atteindre (< 0,025 ng/L) pour chacun des six congénères réglementés. Compte tenu notamment de la faible solubilité de ces produits, qui rend difficile leur extraction des matrices complexes, les méthodes d’analyse existantes ne satisfont pas les critères de performances analytiques requis dans le cadre de ces deux Directives. Il est donc apparu nécessaire de développer une méthode primaire de référence pour l’analyse simultanée de plusieurs PBDE dans différentes matrices environnementales (eaux et sédiments). Aux PBDE réglementés ont été ajoutés les BDE-183 et -209.

Deux méthodes d’analyse métrologiquement traçables à la mole ont été développées et optimisées :

  • une méthode par GC/MS permettant l’analyse simultanée des BDE-28, -47, -100, -99, -154 et -153 à des teneurs allant de 2 ng/ml à 250 ng/ml suivant le congénère,
  • une méthode par GC/MS-MS permettant l’analyse simultanée des BDE-28, -47, -100, -99, -154, -153, -183 et -209 à des teneur allant de 0,25 ng/ml à 250 ng/ml.

Il est apparu que seule la méthode impliquant la GC/MS-MS est en mesure de répondre aux exigences fixées par la DCE en terme de LOQ à atteindre. Les performances de cette méthode permettent par ailleurs l’analyse des BDE-183 et -209.

Dans le cas des matrices aqueuses, l’extraction sur phase solide (SPE) connue pour être plus rapide et plus faible consommatrice de solvants que l’extraction liquide-liquide (ELL) a été testée. Cela n’a cependant pas permis d’obtenir des taux de recouvrements suffisants (entre 20 et 78 % selon la composition de la phase des cartouches et les BDE considérés) et le choix final pour le développement de la méthode d’extraction sur des eaux synthétiques chargées en acides humiques (Carbone Organique Dissous = 5 et 7 mg/L) s’est porté sur la technique ELL. Cette méthode a pu être validée par une approche interne, ainsi que via une inter-comparaison impliquant d’autres laboratoires de métrologie européens (cf. Projet ENV08).

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Les résultats obtenus montrent que la méthode développée répond aux exigences de la DCE en terme de concentrations à atteindre et d’incertitudes de mesures pour des concentrations à la NQE. Les BDE-183 et –209 peuvent également être déterminés à de faibles valeurs et incertitudes de mesures.

Dans le cas des matrices solides (sédiments), une méthode d’extraction par PLE (méthode accélérée par solvant chaud sous pression) a été développée, optimisée et validée au moyen des Matériaux de Référence Certifiés (MRC) à matrice disponibles. Les résultats obtenus sont statistiquement conformes aux valeurs attendues pour le MRC, seul le BDE-28 ne pouvant pas être caractérisé, les  MRC disponibles ne contenant pas ce congénère.

Deux méthodes de référence primaires, justes et traçables, ont pu être développées et validées pour le dosage d’une large sélection de PBDE réglementés dans les eaux et les sédiments. Ces méthodes répondent aux critères données par la DCE, et la traçabilité métrologique à la mole, unité du SI pour la quantité de matière, est assurée par la mise en œuvre de la Dilution Isotopique. Ces méthodes seront mises à profit pour effectuer des tests de stabilité sur des matériaux de référence et pour fournir des valeurs de référence au cours d’essais d’aptitudes à destination des laboratoires de terrain (notamment dans le cadre du réseau AQUAREF), contribuant ainsi à une amélioration de la qualité des données de surveillance de la qualité de l’eau.

Impacts scientifiques et industriels

  • Dépôt de CMC (Meilleures possibilités d’étalonnages et de mesurages) auprès du BIPM
  • Fourniture de valeurs de référence dans le cadre de la réalisation d’essais d’aptitudes destinés aux laboratoires de surveillance de la qualité de l’eau / Fiabilisation des mesures réalisées dans le cadre du réseau AQUAREF

Publications et communications

CABILLIC J., PHILIPP R., SCHIEL D., EMTEBORG H., GOENANA-INFANTE H. et LALERE B., “Joint Research Project ENV08 “Traceable measurements for monitoring critical pollutants under the European Water Framework Directive (WFD) 2000/60/EC”, 15e Congrès international de métrologie, Paris, France, 3-6 octobre 2011.

LALERE B., LARDY-FONTAN S., CABILLIC J., LEDIOURON V. et  PEIGNAUX M., « Méthodologie et métrologie pour l’acquisition de mesures quantitatives fiables à l’état traces dans l’environnement », Colloque du DIM Analytics, Paris, France, 18–19 avril 2013.

CABILLIC J., HEIN S., LEHNIK-HABRINK P., CALABRETTA E., POTALIVO M., BELLI M., BILSEL M., GOKÇEN T., CEYHAN GOREN A., CRINA I., BUZUIANU M., LALERE B. et PHILIPP R., “Joint Research Project ENV08 : Traceable measurements for monitoring critical pollutants under the European Water Framework Directive (WFD) 2000/60/EC”, 16e Congrès International de Métrologie, Paris, France, 7–10 octobre 2013.