A 3 000 °C l’incertitude de réalisation de l’EIT-90 est de l’ordre de 1 °C, mais les raccordements successifs de la référence vers les applications industrielles dégradent cette incertitude, qui finalement peut atteindre 10 °C voire 20 °C.

Objectifs

Permettre la mise en pratique du kelvin aux plus hautes températures par des points fixes dont la température thermodynamique est connue

Diminuer les incertitudes de réalisation de l’Échelle internationale de température de 1990 (EIT-90) en réduisant les domaines d’extrapolation

Résumé et premiers résultats

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Point fixe haute température Co-C développé pour l'industrie nucléaire
Point fixe haute température Co-C

Face à cette problématique, le développement de points fixes aux températures supérieures au point du cuivre (qui est le dernier point fixe de l’EIT-90 à 1 357,77 K) est nécessaire. En amont, une température thermodynamique sera affectée à un lot de cellules référence. Les points fixes suivants sont des candidats pressentis : Cu (1 085 °C), Co-C (1 324 °C), Pt-C (1 738 °C) et Re-C (2 474 °C). En aval, des cellules supplémentaires doivent être développées pour répondre aux besoins de transfert et d'applications industrielles. De nouveaux points fixes tels que le Cr-C (1 826 °C) et le Ru-C (1 953 °C) viendront compléter le domaine des hautes températures. Ils permettront de réduire les domaines d’extrapolation aux plus hautes températures, de manière à réduire l’incertitude de réalisation de l’EIT-90 d’un facteur 2 à 5.

Réalisation et caractérisation d’un lot de cellules de Cu (1 085 °C), Co-C (1 324 °C), Pt-C (1 738 °C)
et Re-C (2 474 °C)

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Vue CAO en coupe d'une cellule hybride du LCM
Vue en coupe d'une cellule hybride

Dans le cadre du projet HTFP Research plan du groupe de travail n° 5 du Comité consultatif de thermométrie du CIPM un appel à la fabrication de cellules de Cu, Co-C, Pt-C et Re-C a été lancé fin 2010. Le protocole très restrictif de la fabrication des cellules (taux d'impureté maximal des métaux et matériaux inférieur à 10 ppm, structure hybride obligatoire, domaine de fusion restreints suivant les points de fusion…) a limité aux seuls laboratoires nationaux de métrologie la possibilité d'y répondre. Dans ce cadre, l'INRIM (Italie), le LCM (France), le NIM (Chine), le NMIJ (Japon), le NPL (Angleterre), le PTB (Allemagne), le VNIIM et le VNIIOFI (Russie), se sont engagés dans la fabrication et la caractérisation de cellules. Le LCM a fabriqué un lot de 7 cellules (1 Cu, 3 Co-C, 1 Pt-C et 2 Re-C). Les cellules des différents participants ont été regroupées par point fixe, en quatre lots : Cu, Co-C, Pt-C et Re-C, puis ont respectivement été envoyés à l'INRIM, au LCM, au NPL et au NIM pour une mesure comparative des cellules d'un même point fixe.

Le LCM classe ses trois cellules de Co-C au premier rang avec celle du NMIJ. Les cellules des autres points fixes de Cu, Pt-C et Re-C proposées par le LCM et testées respectivement par l'INRIM, le NPL et 

le NIM ont toutes été sélectionnées. La cellule de cuivre a été classée au rang 1, celle de Pt-C au rang 2 et celle de Re-C au rang 3 sur un maximum de 4 cellules sélectionnées parmi les 6 ou 7 cellules comparées. Avec le NMIJ, le LCM confirme donc sa place de leader dans la fabrication des points fixes haute température (PFHT). Deux caractéristiques des cellules du LCM sont aujourd'hui reconnues par un grand nombre de laboratoires. La structure hybride des cellules associant les feuilles C/C à une chemise rigide est reprise par la quasi-totalité des laboratoires développant des PFHT. Elle permet de construire des cellules robustes et d'accroitre leur longévité tout en améliorant la qualité des paliers. Les méthodes de remplissage largement développées au cours des dix dernières années au LCM sont reconnues comme étant les moins polluantes, les plus sûres et les plus rapides.

Réalisation et caractérisation de cellules de Cr-C (1 826 °C)

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Paliers de fusion et congélation des transitions péritectique et eutectique de la cellule 6Cr2
Paliers de fusion et congélation des transitions péritectique et eutectique de la cellule de 6Cr2 (Ord: °C ; Abs: hh:mm)

Deux transitions de phase peuvent être obtenues dans une cellule de chrome-carbone pour des compositions de carbone avoisinant les 10 à 12 %. La plus basse est une transition eutectique de deux phases solides Cr7C3 et Cr3C2 vers une phase liquide métal-carbone située autour de 1 742 °C. La seconde est une transition péritectique d'une phase solide Cr3C2 vers une phase liquide métal-carbone ainsi qu'une phase carbone solide, située autour de 1 826 °C. Suivant cette particularité, deux nouvelles cellules, 6Cr1 et 6Cr2 ont été remplies avec des proportions de graphite différentes, la première étant proche de la composition de graphite autour point eutectique et la seconde proche de celle du point péritectique. L'idée était de favoriser la transition eutectique pour la première cellule, et la transition péritectique pour la seconde, par une composition de graphite appropriée et d'étudier d'éventuelles différences. Finalement les deux cellules ont montré des paliers de durées similaires et des températures de transitions de phases eutectiques et péritectiques équivalentes.

Les températures de changement de phase des transitions eutectiques et péritectique de la cellule 6Cr2 ont été mesurées dans l'EIT-90 :

  •          t90 (eutect.) = 1 742,10 °C,   u (eutect.) = 120 mK ;
  •         t90 (périt.) = 1 826,10 °C,       u (perit.) = 140 mK

           Ces températures ont été calculées aux points d'inflexion des paliers de fusion des deux transitions. Les incertitudes de répétabilité des paliers, mesurées à consignes constantes de ± 25°C autour du changement de phase, sont respectivement de 25 mK et 15 mK pour les paliers eutectiques et péritectiques. Ces premiers tests ont confirmé l'intérêt du point de Cr-C notamment pour la reproductibilité des paliers eutectiques et péritectiques.

 

Application des PFHT à des besoins industriels

Cas n° 1 : traçabilité des mesures de température dans une flamme de combustion.

Pour sa R&D, un industriel du domaine de l’énergie utilise des enceintes de plusieurs dizaines de mètres cubes pour étudier des flammes de combustion de gaz naturel. Il réalise des cartographies de température de ces flammes de combustion en déplaçant une canne munie d’un thermocouple. Dans ces conditions d’utilisation, les thermocouples présentent des dérives importantes entre les étalonnages.

La solution apportée par le LCM a consisté à installer des PFHT Co-C à l’extrémité des cannes au niveau des soudures chaudes des thermocouples pour obtenir une température de référence proche des conditions d’utilisation permettant l’étalonnage des thermocouples lors de chaque cartographie.

 

Cas n° 2 : traçabilité des mesures pyrométriques dans le domaine nucléaire.

Pour étudier la température dans le corium un acteur du secteur nucléaire utilise des mesures pyrométrique. Celui-ci dispose d’un four à induction générant des rampes de température de plusieurs centaines de kelvins par minutes. Afin d’assurer la traçabilité des mesures le LCM a conçu des cellules Co-C (1 324 °C), Ru-C (1 953 °C) et Re-C (2 474 °C) adaptées à ce four. Un nouveau dessin de creuset basé sur une structure hybride et une méthode de remplissage comparables à celles des cellules habituelles ont été proposés. Les dimensions extérieures réduites ainsi que l'élargissement de la cavité ont été expérimentés dans le but d'accroitre leur robustesse affectée par les variations de températures importantes du four à induction. Des tests de robustesse ont été menés sur les cellules de Co-C, Ru-C et Re-C. Ces tests ont été particulièrement réussis. Toutes les cellules, y compris le point de Co-C habituellement sensible aux rampes de température, sont sorties intactes du four à induction malgré des rampes atteignant 1 0000 °C/h. La reproductibilité des paliers de fusion est inférieure à 0,5 °C pour des consignes inhabituelles pouvant atteindre 500 °C autour du point de fusion.

Impacts scientifiques et industriels

  • Dissémination de T ou t90 en limitant le nombre d’étapes successives de raccordements entre l’amont et l’aval
  • Fourniture aux industriels de moyens d’auto-validation sur site aux plus hautes températures avec une incertitude maitrisée

Publications et communications

YAMADA Y., ANHALT K., BATTUELLO M., BLOEMBERGEN P., KHLEVNOY B., MACHIN G., MATVEYEV M., SADLI M., TODD A. et WANG T., “Evaluation and Selection of High-Temperature Fixed-Point Cells for Thermodynamic Temperature Assignment”, International Journal of Thermophysics, 36, 8, 2015, 1834-1847, DOI: 10.1007/s10765-015-1860-0.

MACHIN G., ANHALT K., BLOEMBERGEN P., SADLI M., YAMADA Y.et WOOLLIAMS E.R., “Progress report for the CCT-WG5 high temperature fixed point research plan”, AIP Conference Proceedings, 1552, 317, 2013, DOI: 10.1063/1.4821384.

MACHIN G., ENGERT J., GAVIOSO R.M., SADLI M. et WOOLLIAMS E.R., “The Euramet Metrology Research Programme project Implementing the new Kelvin (InK)”, International Journal of Thermophysics, 35, 2014, 405-416, DOI: 10.1007/s10765-014-1606-4.

BOURSON F., BRIAUDEAU S., ROUGIÉ B. et SADLI M., “Determination of the furnace effect of two high-temperature furnaces on metal-carbon eutectic points”, AIP Conference Proceedings, 1552, 380, 2013, DOI: 10.1063/1.4821389.

MACHIN G., ANHALT K., EDLER F., PEARCE J., SADLI M., STRNAD R. et VUELBAN E., “HITEMS: A project to solve high temperature measurement problems in industry”, 9th International Temperature Symposium, Anaheim, États-Unis, 1923 mars 2012.

SADLI M., BOURSON F., DIRIL A., JOURNEAU C., LOWE D. et PARGA C., “Construction and in-situ characterisation of high-temperature fixed point cells devoted to industrial applications”, EPJ Web of Conferences, 77, 2014, DOI: 10.1051/epjconf/20147700018.

PARGA C., BOURSON F., SADLI M. et JOURNEAU C., « Cellules à points fixes de température pour la recherche appliqué », Congrès Français de Thermique, Gérardmer, France, 28–31 mai 2013, http://lc.cx/qCr.

MACHIN G., ENGERT J., GAVIOSO R., SADLI M. et WOOLLIAMS E., “The EURAMET metrology research programme project: Implementing the new Kelvin (InK)”, Tempmeko 2013, Funchal, Madère, Portugal, 14–18 octobre 2013.