Le mercure sous ses nombreuses formes chimiques est très toxique pour l'homme, les animaux et l'environnement avec une variabilité significative dans la chaîne trophique : des teneurs de quelques µg/kg peuvent se retrouver dans des matrices biotes alors que dans des échantillons d’eau les teneurs peuvent descendre à quelques ng/kg.

OBJECTIFS

  • Développer des procédures de mesure de premier niveau métrologique pour différentes espèces du mercure (spéciation) et dans différentes matrices (air, eau & biote)
  • Développer un matériau de référence certifié (MRC) pour les associations de surveillance de la qualité de l’air
  • Développer le couplage d’un analyseur de mercure et de la chromatographie en phase gazeuse (CG) à la spectrométrie de masse à plasma induit haute résolution (HR-ICP-MS)
  • Quantifier le mercure total et ses espèces dans des matrices environnementales (notamment l’eau de mer) à des teneurs de l’ordre de quelques ng/L

RÉSUMÉ ET RÉSULTATS

Les activités humaines (transport, extraction du gaz et du pétrole, émissions de l’industrie chimique, ampoules, …) ont conduit au cours des 100 dernières années à une forte augmentation des niveaux de mercure (Hg) dans l’environnement. Le mercure est toxique sous toutes ses formes. Il est bioassimilable et bioaccumulable et se concentre facilement dans les organismes et tout au long du réseau trophique (chaîne alimentaire), en particulier dans les sédiments et dans les eaux où sous la forme de méthylmercure (CH3Hg). Il se concentre jusqu'à 10 millions de fois dans les organismes aquatiques (moules, huîtres et autres animaux filtreurs en particulier). Afin de prévenir la pollution environnementale et les dommages causés à la santé par le mercure, une nouvelle convention mondiale juridiquement contraignante visant à réduire les émissions de mercure, la Convention de Minamata, a été signée et approuvée par 185 pays en 2013.

La Convention met en évidence, entre autres, le besoin de connaitre le cycle du mercure dans tous les compartiments environnementaux.

L’évaluation des effets du mercure sur l’homme et l’environnement s’avère d’importance et dépendante de résultats de mesure fiables. Or les méthodes de mesure existantes, même lorsqu’elles sont normalisées (EN15852, EN13211, EN14884, …), requièrent d’être améliorées du point de vue métrologique pour obtenir des valeurs de concentration qui puissent être comparées de façon fiable les unes aux autres dans le but d’évaluer des tendances dans le temps et en différents lieux. Cela se vérifie également dans le domaine de l’océanographie où les incertitudes à atteindre sur les mesures du Hg doivent être fortement réduites pour que des tendances puissent être identifiées sur une colonne d’eau (teneurs de l’ordre de la pico-mole). Ce défi est néanmoins rendu encore plus complexe par les différentes formes chimiques existantes pour le mercure (Hg, CH3Hg, …), leur présence dans des matrices variées (air, eau, biote, …) et les faibles concentrations rencontrées dans certains cas. En l’état, les résultats sont difficilement opposables du point de vue réglementaire, que cela soit dans le cadre de la Directive Cadre sur l’Eau (2000/60/EC) ou des Directives 2004/107/EC et 2010/75/EU relatives respectivement aux émissions et aux concentrations dans l’air. Enfin du point de vue analytique, la mesure des espèces du mercure constitue un véritable défi du fait de son caractère réactif, de la difficulté à le stocker et à le manipuler ou encore de sa faculté à s’évaporer facilement.

Entre 2014 et 2017, le LNE a coordonné le projet européen MeTra (Traceability for Mercury Measurement, lien du site ICI), financé par le programme européen EMPIR, dont le but était de développer des procédures de mesure de premier niveau métrologique, ainsi que des matériaux de référence afin d’établir la traçabilité au SI des mesures de Hg dans l’ensemble des compartiments environnementaux pertinents (air, eau, solide), en soutien de la mise en œuvre de la Convention de Minamata sur le mercure.

Le LNE a travaillé sur le développement des procédures pour la quantification des espèces du Hg dans l'eau et dans les poissons. Pour l'eau, le défi était principalement les faibles concentrations des diverses espèces. La méthode développée par le LNE est basée sur la dilution isotopique couplée à la chromatographie en phase gazeuse et à la spectrométrie de masse à plasma inductif (DI-GCICPMS) pour la quantification des espèces de mercure Hg (II) et MeHg. Pour traiter de très faibles niveaux de concentration, le principal défi était de minimiser l'impact des blancs, en particulier pour les mesures du Hg (II). Dans le cadre du projet, le LNE a établi une collaboration avec l'AIEA (Agence internationale de l'énergie atomique) sur les mesures de spéciation dans l'eau de mer. Des mesures comparatives entre l'AIEA et le LNE ont été effectuées en 2016 sur une eau « modèle » contenant de l'eau de mer artificielle, des acides humiques et une petite quantité d’un matériau de référence de poisson contenant du mercure.

Dans les matrices « biote », le principal défi analytique est l'extraction complète des espèces du Hg de la matrice sans en modifier la composition. Le LNE a mis en œuvre une extraction acide couplée à la DI-GC-ICPMS, ayant l'avantage de ne pas utiliser de réactifs toxiques tels que l'hydroxyde de tétraméthylammonium (TMAH). De plus, les étapes de réchauffement de l’échantillon, filtration, purification ont été évitées afin de ne pas modifier la spéciation d'origine. Pour valider la méthode, deux différents matériaux de référence ayant des teneurs en matière grasse et des niveaux de concentration de mercure différents ont été utilisés, tels que le NIST 1947 (poisson frais) et l'IAEA 407 (moules). Les limites de détection et de quantification ont été déterminées dans le cadre de la procédure de validation ainsi que l’incertitude de mesure. Les méthodes validées ont été appliquées à l’analyse de quatre matériaux de poisson différents qui ont été préparés par la banque d’échantillons environnementaux allemande. Ces matériaux ont été analysés par les participants du projet en utilisant différentes méthodes. La robustesse des méthodes a donc été prouvée et des bilans d'incertitude complets ont pu être établis.

Pour répondre au besoin de disposer de méthodes primaires robustes et performantes, le LNE a souhaité améliorer ses performances en analyse de spéciation et développer un nouveau couplage dédié aux mesures de mercure et de ces espèces, notamment dans des matrices environnementales, comme l’eau de mer. Ainsi, en 2018, le laboratoire a travaillé sur l’amélioration du couplage entre les techniques séparatives et l’ICP-MS. En effet, les techniques de spectrométrie de masse sont les méthodes analytiques présentant les meilleures performances pour la mesure de rapports isotopiques. En spéciation élémentaire, les principaux défis sont la présence de blancs analytiques importants et la faible sensibilité des signaux, notamment à basse concentration, impactant la fidélité de la mesure des rapports isotopiques, et par conséquence l’incertitude associée au dosage par DI. Le couplage envisagé, consistant à assembler un analyseur de mercure, un chromatographe en phase gaz et la ligne de transfert pour permettre le couplage au HR-ICP-MS, avait pour but de permettre la réduction des limites de quantification des précédentes méthodes utilisées et de se rapprocher des niveaux attendus dans les milieux moins pollués.

Par ailleurs, un manque de méthodes de référence et de matériaux de référence a été mis en évidence lors de précédents travaux, pour les études du cycle biogéochimique du mercure, notamment en eau de mer. Ce manque est dû au fait que les teneurs du mercure dans des milieux naturels non contaminés sont de l’ordre de quelques ng/L. Le projet a ainsi permis de développer un système de dosage pour le mercure, fiable et rapide, dont les résultats ont été validés par comparaison avec la méthode primaire basée sur la dilution isotopique.

IMPACTS SCIENTIFIQUES ET INDUSTRIELS

  • Soutien à la mise en œuvre de la Convention de Minamata sur l'interdiction progressive du mercure
  • Fourniture de MRC (filtres impactés en poussières atmosphériques et caractérisés pour leur teneur en Hg) aux associations de surveillance de la qualité de l’air (AASQA)
  • Méthodes validées pour répondre aux nouvelles exigences de la Directive Cadre sur l’Eau (notamment en termes de Normes de Qualité Environnementales exigées pour la biote)
  • Méthode validée avec bilan d’incertitudes complet à destination de la communauté des océanographes
  • Amélioration des capacités de mesure avec des méthodes d’analyse plus performantes, notamment en termes de limites de quantification atteignables

PUBLICATIONS / COMMUNICATIONS

Publications :

Richard J C Brown, Paul J Brewer, Hugo Ent, Paola Fisicaro, Milena Horvat, Ki-Hyun Kim, Christophe R Quétel; Who should take responsibility for decisions on internationally recommended datasets? The case of the mass concentration of mercury in air at saturation Metrologia; 2015, 52, L25–L30

Communications :

P. Fisicaro, E. Vasileva, I. Fettig, J. Koschorreck, C. Piechotta, C. Oster, E. Alasonati, M. E. Del Castillo Busto, S. Azemard Collaborative study on mercury and methylmercury quantification in fish samples from the German Environmental Specimen Bank; Winter Plasma Conference February 2017, Austria (poster)

Paola Fisicaro, Emilia Vasileva, Ina Fettig, Jan Koschorreck, Christian Piechotta, Caroline Oster, Enrica Alasonati, Maria Estela Del Castillo Busto, Sabine Azemard; Development of an enzymatic digestion method for the quantification of mercury species in biota and fish Workshop on mercury monitoring and regulation; April 2017, Germany (poster)

Enrica Alasonati, Christian Piechotta, Charlott Wittstock, Ina Fettig, Paola Fisicaro Traceability for speciation of mercury in water and biota; Workshop on mercury monitoring and regulation; April 2017, Germany (oral)

PARTENAIRES

BAM (Allemagne)

IJS (Slovénie)

LGC (Royaume-Uni)

NPL (Royaume-Uni)

CNR (Italie)

CNRS (France)

PTB (Allemagne)

SYKE (Finlande)

TUBITAK (Turquie)

UBA (Allemagne)

VSL (Pays-Bas)

Symalab (France)

IAEA (international)