Résumé de la thèse

L'effet Hall quantique (EHQ), observé à basse température et sous fort champ magnétique dans des gaz bidimensionnels d'électrons, comme ceux fabriqués avec les semiconducteurs GaAs et GaAlAs, a révolutionné la métrologie des résistances car il permet d'obtenir un étalon quantique de résistance qui ne dépend que de e et h (respectivement la charge de l'électron et la constante de Planck). Dans ce contexte, la physique du graphène suscite de l'intérêt pour la métrologie. Les écarts en énergie entre les premiers niveaux de Landau, en jeu dans la quantification de la résistance de Hall, sont supérieurs dans la monocouche (l'épaisseur de la feuille de carbone est celle d’un atome de carbone) et dans la bicouche (deux monocouches) par rapport à ceux dans GaAs. Ceci rend l'EHQ dans le graphène plus robuste et laisse envisager le développement d'un étalon plus pratique (travaillant à plus haute température > 4,2 K ou plus faible champ magnétique, quelques teslas) compatibles avec des dispositifs cryomagnétiques sans hélium. En outre, le graphène qui présente une physique très originale de fermions de Dirac chiraux offre l’opportunité d’un test d’universalité de l’EHQ très convaincant, susceptible de soutenir la redéfinition du Système international d’unités à partir des constantes fondamentales.

Durant la thèse, un protocole de fabrication de barres de Hall en graphène exfolié a été mis en place comprenant un repérage optique, des lithographies électroniques, la métallisation de contacts, la gravure plasma... L'utilisation de substrat de silicium oxydé en surface a rendu possible l'utilisation d'une grille électrostatique en face arrière pour faire varier la densité et la nature des porteurs de charge (électrons ou trous). En outre la géométrie des échantillons a été optimisée pour répondre au mieux aux contraintes métrologiques. À basse température, le dopage résiduel obtenu après le recuit in situ est de l'ordre de 3 à 4×1011 cm–2. Les mobilités des porteurs sont proches de 4 000 cm2·V–1·s–1) et 2 300 cm2·V–1·s–1 respectivement pour les échantillons monocouche et bicouche. Le transport mésoscopique a été caractérisé à basse température par des mesures de localisation faible et de fluctuations universelles de conductance. La longueur de cohérence extraite est de l'ordre de 0,5 µm à 1,5 K. La résistance des contacts mesurée en régime d'EHQ est plutôt faible (quelques ohms). L'EHQ a été étudié en détail à basse température (300 mK < T < 1,5 K) et sous fort champ magnétique (jusqu'à 18,5 T) à la fois dans la monocouche et la bicouche en mesurant de manière précise la résistance de Hall (RH) et la résistance longitudinale (Rxx). Les mesures fines de RH ont été réalisées à l'aide d'un pont de comparaison fondé sur un comparateur cryogénique de courant ; elles consistent à comparer indirectement l'EHQ dans l'échantillon de graphène à l'EHQ obtenu dans une barre de Hall en GaAs/AlGaAs qui est supposée fournir exactement la valeur RK/2 (RK est la constante de Klitzing théoriquement égale à h/e2).

Les mesures révèlent un accord entre la résistance de Hall dans le graphène et la valeur attendue avec une incertitude de quelques 10–7. A plus faible courant et dans l'état de dissipation minimale (Rxx proche de 0), l’accord a été obtenu avec une incertitude relative de 3×10–7. Ce niveau de précision est principalement limité par la petite taille des échantillons et par les inhomogénéités de la densité qui y sont présents, ces deux caractéristiques amenant de faibles courants de rupture de l'EHQ (1 µA à 2 µA). Toutefois, ces résultats sont à ce jour les tests les plus précis concernant l'EHQ dans du graphène exfolié et les premiers tests réalisés sur une bicouche. Ils confirment le potentiel de l'EHQ dans le graphène pour une application de métrologie.

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