Les travaux préparatoires à la nouvelle définition du kilogramme ont été menés au moyens d’expériences fonctionnant sous vide alors que les mesures de masse au moyen du Prototype international du kilogramme (IPK) se faisaient dans l’air. Dès lors, il devenait nécessaire de développer les étalons et les méthodes permettant de faire le lien entre des mesures dans l’air et des mesures de masse sous vide. Ceci afin de pouvoir fixer la valeur de la constante de Planck en cohérence avec la définition du kilogramme en vigueur d’une part, et ultérieurement d’assurer la dissémination de l’unité de masse sous vide vers les utilisateurs finaux d’autre part.

OBJECTIFS

Développer et évaluer des artefacts adaptés à la détermination des constantes de Planck et d'Avogadro afin d'assurer la traçabilité par rapport à l’IPK et de permettre in fine la diffusion du kilogramme après sa redéfinition.

Fournir les procédures et les appareils appropriés pour le transfert de masse entre les expériences sous vide (balance de Kibble et comparateurs de masse sous vide) et les expériences à l'air libre (comparaison avec l'IPK et diffusion de l'unité aux utilisateurs finaux).

Développer et adapter des techniques d'analyse de surface, par exemple la spectroscopie photoélectronique à rayons X (XPS), l'ellipsométrie, la spectrométrie d'angle de contact (CAS) et les modèles de couches supérieures pour l'accumulation de contaminants sur les étalons de masse (y compris les sphères de silicium).

Évaluer la stabilité de masse des artefacts de masse correctement conservés et développer l'infrastructure métrologique nécessaire à la maintenance (à moyen terme) de l'unité de masse et à sa diffusion sur la base de différentes réalisations (via un ensemble d'artefacts pouvant être conservés dans plusieurs laboratoires nationaux de métrologie et des comparaisons clés).

Développer et valider des méthodes permettant le nettoyage reproductible (à moins de 5 μg) des étalons de masse primaires, y compris l'optimisation des techniques de nettoyage sans contact telles que l'utilisation d'ozone activé par UV et les techniques au plasma gazeux.

Identifier et évaluer les composantes d'incertitude inhérentes à la mise en pratique et leur propagation tout au long de la chaîne de diffusion pour le kilogramme et ses multiples et sous-multiples.

RESUMÉ ET RESULTATS

Avant la redéfinition de l’unité de masse de 2018, le Prototype International du Kilogramme était conservé et utilisé dans l’air. Les travaux de recherche pour parvenir à cette redéfinition de l’unité de masse se faisaient au moyen d’expériences de balance du watt et d’Avogadro qui conduisaient à faire des mesures sous vide. Ainsi il était clair que la matérialisation du kilogramme redéfini se ferait sous vide et nécessiterait donc le transfert des étalons « primaires » du kilogramme du vide à l'air afin d'assurer la traçabilité pour les utilisateurs finaux. Cela allait ajouter des sources d'erreur supplémentaires qu’il fallait maitriser, telles que la sorption de contaminants de surface et de couches d'eau, à des procédures de mesure déjà complexes. Le projet EMRP « Développement d'un moyen pratique de diffusion du kilogramme redéfini (NewKILO) » a permis de mettre au point de nouveaux étalons de masse, de nouvelles méthodes pour les nettoyer et les surveiller, ainsi que des procédures et des équipements pour transférer les étalons de masse entre le vide et l'air. Plus généralement l’objectif était que les résultats de ce projet contribuent à garantir que la redéfinition apporte des avantages à la communauté des utilisateurs finaux.

Le laboratoire commun de métrologie LNE-Cnam (LCM) a été impliqué dans tous les lots de tâche de ce projet. Les résultats qui suivent ne concernent que les résultats du projet auxquels le laboratoire a contribué.

Concernant le développement et l’évaluation des artefacts, afin d’assurer une traçabilité vers les expériences de la balance du watt et d’Avogadro, les partenaires du projet ont défini les caractéristiques suivantes pour le matériau :

- une faible susceptibilité magnétique (< 2×10-4) pour une utilisation dans la balance du watt ;

- une dureté HV > 200 pour faciliter l’usinage et le polissage ;

- une résistance chimique à la corrosion et à l’oxydation ;

- un matériau homogène sans porosité, cavité et gaz occlus afin d’assurer une stabilité à long-terme.

En fonction de ces propriétés, différents matériaux ont été sélectionnés et comparés.

 

Parmi les nombreuses études entreprises pour caractériser ces matériaux, le LCM a évalué la rugosité de surface après polissage miroir avec un rugosimètre optique : aucun lien direct n'a été relevé avec la stabilité de la masse, mais elle affecte de manière certaine les effets de sorption.

S’agissant du développement des procédures et les appareils appropriés pour le transfert de masse entre les expériences sous vide et les expériences à l'air libre, le LCM a participé à des mesures de coefficient de sorption en fonction de la pression. Il a plus particulièrement travaillé sur du platine-iridié. Les travaux ont montré qu’il n’y avait pas de variation de masse entre 0,1 Pa et 0,001 Pa.

 

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Comparateur de masses M-one 6V du LCM utilisé pour les études gravimétriques
Comparateur de masses M-one 6V

Afin de valider et évaluer la reproductibilité de la méthode de transfert air/vide des étalons de masse, une comparaison de mesure gravimétrique d’étalons de masse soumis à des passages air/vide/air a été entreprise. Cette comparaison s’est faite sur deux groupes de trois masses. Dans le premier groupe, deux masses sont conservées à l’air l’une devant être nettoyé avant pesée tandis que la troisième est conservée sous atmosphère d’azote. Dans le 2nd groupe, les trois masses sont conservées sous air. Le LCM a participé aux mesures liées à ce groupe. Les coefficients de sorption calculés par les différents laboratoires nationaux diffèrent jusqu’à un ordre de grandeur. Ces différences sont expliquées par l’utilisation par chaque laboratoire de leurs propres artefacts de sorption qui peuvent différer notamment dans leur finition (polissage).

 

La LCM a participé à une des études concernant le transfert des masses entre le vide et/ou l’air et l’azote. Trois différents cycles ont été appliqués sur Pt-Ir puis analysé par TDS (spectrométrie de masse de thermo désorption au LCM afin de déterminer leurs avantages et inconvénients.

 

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Nettoyage plasma
Nettoyage plasma

Pour les études de stabilité de masse en particulier lors du stockage, du nettoyage et du transport des masses, le LCM a mis en place en 2014 un dispositif de nettoyage plasma, intégré dans le sas d’introduction du dispositif TDS. Une étude de l’effet de différents nettoyages a été menée. L’application d’un nettoyage plasma à l’air sur des artefacts en Pt-Ir préalablement nettoyés à l’éthanol ou à l’isopropanol a montré l’efficacité de cette méthode notamment sur les composés carbonés et hydrocarbonés. Par une étude gravimétrique, une variation de masse des artéfacts en Pt-Ir en fonction du processus de nettoyage opéré (nettoyage-lavage BIPM ou air plasma) a été observée. Une série de comparaisons réalisées avant et après les deux nettoyages a été effectuée. Après chacun des nettoyages, on observe une rapide augmentation de la masse qui se stabilise au bout de quelques heures.

Une comparaison d’adsorption d’acétone et d’éthanol sur des surfaces de PtIr, d’iridium et d’alliage AuPtAgCu a été effectuée. L’adsorption à la fois de l’acétone et de l’éthanol est plus faible sur l’iridium pur que sur le PtIr. En ce qui concerne l’alliage quaternaire AuPtAgCu, l’adsorption très élevée d’acétone suggère une grande porosité de la surface, ce qui le rend impropre à l’emploi en tant qu’étalon de masse.

 

Un autre aspect des travaux a concerné le stockage à moyen terme et le transfert des étalons entre laboratoires possédant une réalisation primaire fonctionnant sous vide. Afin d’évaluer le stockage et le protocole de transfert, le LCM a participé aux mesures sur un ensemble de masses. Il n’y a pas d’avantage significatif à conserver les masses sous gaz neutre voir il est plus avantageux en terme de stabilité de masse de converser les masses à l’air. La méthode actuelle de conservation des masses sous air est donc recommandée.

PUBLICATIONS ET COMMUNICATIONS

PLIMMER M.D., DU COLOMBIER D., IRAQI HOUSSAINI N., SILVESTRI Z., PINOT P. et HANNACHI R., “Apparatus to measure adsorption of condensable solvents on technical surfaces by photothermal deflection”, Review of Scientific Instruments, 2012, 83, 11, DOI: 10.1063/1.4767245.

SILVESTRI Z., AZOUIGUI S., BOUHTIYYA S., MACÉ S., PLIMMER M.D., PINOT P., TAYEB-CHANDOUL F. et HANNACHI R., “Thermal desorption mass spectrometer for mass metrology”, Review of Scientific Instruments, 2014, 85, 4, DOI: 10.1063/1.4870921.

DAVIDSON S., BERRY J., SILVESTRI Z., HOGSTROM R. et GREEN R., “Addressing the requirements for the practical implementation and ongoing maintenance of the redefined kilogram”, 22nd IMEKO TC3 International Conference on Measurement of Force, Mass and Torque 2014, Held Together with TC5 and TC22, Le Cap, Afrique du Sud, 3-5 février 2014.

SILVESTRI Z., BOUHTIYYA S., PINOT P. et DAVIDSON S., “How to disseminate the mass unit for the new kilogram?”, International Congress of Metrology, Paris, France, Poster, 21-24 septembre 2015, DOI: 10.1051/metrology/20150018003.

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