Le sens étymologique du mot « métrologie » vient du grec ancien « mètre » et « traité ». Par extension, cela correspond à la science de la mesure.

La question posée revient donc à « qu’est-ce que mesurer ? ».

Mesurer, c’est comparer

Réfléchissons en premier lieu à la manière dont on procède pour réaliser une mesure.

La mesure est présente au quotidien, dans une cuisine pour peser des ingrédients, dans un laboratoire d’analyses médicales pour diagnostiquer un diabète, dans les institutions pour qualifier le niveau de pollution urbaine, dans les laboratoires de recherche qui travaillent sur la détection de particules, dans l’industrie pour le contrôle et la fabrication. A chaque fois, le processus est identique : on compare deux choses entre elles.

Pour cela, deux prérequis sont nécessaires. Les éléments doivent être comparables (la méthode utilisée doit permettre une comparaison fiable) et l’instrument utilisé doit être fiable et qualifié.

Ce principe s’illustre pleinement avec une balance de Roberval, instrument qui permet de mesurer des masses (fig. 1).

Dans les faits, elle compare la valeur de la masse d’un objet, inconnue, à celle d’une référence, elle, connue. En métrologie, on utilise du reste le terme de « comparateur de masse ».
La comparaison établie, on accède à une valeur numérique de la masse recherchée, via l’instrument qui permet la quantification avec l’unité adéquate.

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Modèle de balance de Roberval
Figure 1 : Représentation schématique de la balance de Roberval

Toute mesure est basée sur ce principe :

  • Pour une mesure dimensionnelle, la règle, ou le mètre-ruban sont à la fois la référence et l’instrument de mesure ;
  • Pour une mesure de masse, un jeu de « poids » constitue la référence, l’instrument est une balance.
  • Pour une mesure d’intensité électrique, un multimètre est à la fois la référence et l’instrument de mesure.

Le système international d’unités, le SI, en vigueur depuis 1960, permet de décrire tous les phénomènes physiques ou chimiques sur la base de ses unités et grandeurs constitutives.

A retenir

  1. La mesure d'une quantité ou d'une grandeur Q, c'est :

    1. Une valeur numérique {Q}

    2. Une unité [Q]

    3. Une incertitude de mesure

  2. Elle s'exprime comme le produit d'une valeur numérique et d'une unité : $Q=\left\{Q\right\}\times\left[Q\right]$

Intérêt de la métrologie

L'accès à une connaissance passe bien souvent par un nombre, et la mesure qui fournit ce nombre ne peut se concevoir sans unités, étalons et instruments de mesure. Ceci est la raison d'être de la métrologie qui n'est pas seulement une discipline particulière des sciences physiques mais le socle de nos activités quotidiennes. A l'instar de Monsieur Jourdain lorsqu'il faisait de la prose sans le savoir, nous utilisons tous la métrologie sans nous en apercevoir. Monsieur Christian Pierret a présenté la métrologie et ses diverses applications lors d'une communication en conseil des ministres du 2 décembre 1998, intitulée "de nouvelles ambitions pour une métrologie au service de la compétitivité". L'extrait ci-dessous rappelle que la mesure est une nécessité scientifique, économique et sociale :

La mesure accroît la connaissance

Dans la recherche fondamentale, la métrologie est présente à chaque étape, elle permet de concevoir les conditions d'observation d'un phénomène, de construire et qualifier les instruments de son observation, et d'établir si les résultats obtenus sont significatifs. Ainsi, la datation des roches, la caractérisation des champs gravitationnels, la détermination de certaines constantes en chimie ou en physique relèvent d'activités de mesure.

La mesure protège les personnes

  • dosage des médicaments, les rayonnements en radiothérapie, la sécurité alimentaire, et bien d’autres, nécessitent des opérations de mesure essentielles pour la santé publique. La fiabilité des appareils de mesure des salles d'opération ou de soins intensifs est cruciale.
  • Le respect du droit du travail nécessite un système de suivi des heures travaillées, des niveaux de bruit et d'éclairage des locaux professionnels, des mesures d'atmosphères ambiantes (vapeurs de mercure, fibres et particules),etc.
  • La sécurité routière impose des contraintes de vitesse, de taux d'alcoolémie, d'efficacité du freinage des véhicules, et des mesures pour constater leur respect.
  • La protection de l'environnement suppose des exigences réglementaires sur les nuisances et la qualité de l'air et de l'eau, et appelle des mesures.

La mesure régit les transactions

  • Les transactions opérées par des individus et des entreprises font l'objet de mesures : dosage en alimentation, comptage de gaz d'abonné ou comptage transfrontalier, essence à la pompe ou sur oléoduc, pesage au détail ou à la cargaison...
  • La mesure est indispensable dans les relations entre donneurs d'ordres et sous-traitants, sans mesure fiables, on ne peut garantir que les pièces sous-traitées seront compatibles avec les exigences du donneur d'ordre.

La mesure permet l'innovation et la compétitivité de nos industries

  • La compétitivité passe par la qualité d'un produit, qui est son aptitude à satisfaire les besoins des consommateurs et utilisateurs, et qui requiert des mesures de tous types afin d'étudier les attentes des clients et d'y répondre (mesures organoleptiques dans l'industrie agro-alimentaire, mesures de performances des produits industriels, etc.). Cette qualité peut être démontrée aux clients au moyen de la certification, elle aussi, fondée sur des mesures.
  • La compétitivité suppose que l'industrie mesure et maîtrise finement les volumes de production et les performances de l'appareil de production, et minimise les coûts des rebuts et retouches.

Le descriptif de ces diverses applications de la métrologie nous conduit à distinguer la métrologie fondamentale et la métrologie légale. D'une part, la métrologie scientifique se préoccupe d’effectuer des recherches amont pour de nouvelles références, mais aussi de la réalisation, la conservation, l'amélioration et le transfert des références métrologiques. Cette activité qui est celle des laboratoires nationaux de métrologie, est en amont de toute application technologique. Elle implique donc de se tenir à l'écoute des évolutions incessantes dans le domaine des processus industriels ou dans celui des applications, notamment celles qui sont liées à la santé ou à l'environnement. D'autre part, la métrologie légale correspond à une des missions régaliennes de l'Etat qui consiste à assurer la fiabilité et la stabilité des mesures à usage commercial ou réglementaire, et de prévenir les fraudes. La métrologie est alors un outil de régulation économique.

Définir des références

Nous avons vu que la notion de référence est essentielle. Puisque ces références servent à des comparaisons permanentes avec d’autres objets, elles doivent donc offrir des garanties sur les points suivants :

  • Pérennité : leur stabilité dans le temps doit être suffisante et adaptée au besoin de mesure ;
  • Uniformité : un échantillonnage ne doit pas en altérer l’exactitude ;
  • Accessibilité : la comparaison doit pouvoir être réalisée facilement, par tous, et à l’instant où le besoin est formulé.

…. et évidemment tout cela doit être délivré avec la meilleure exactitude possible….. !

C’est la mission des laboratoires nationaux de délivrer le premier niveau de référence, avec la meilleure incertitude à l’échelle nationale, pour les 7 grandeurs de base, appelées « références nationales ».

Le SI permet d’assurer l’unification des mesures à l’échelle mondiale ; Les références nationales sont , les mises en pratique des  définitions de chaque unité de base et les références de plus haut niveau pour les unités dérivées. Le BIPM étant le dépositaire de ces définitions, elles sont reconnues par l’ensemble des Etats membres de la Convention du mètre. Les références peuvent être de 3 natures différentes :

  • Une mise en pratique de la définition de l’unité (cas de la seconde) ;
  • Un matériau de référence (par exemple, le prototype K pour le kilogramme jusqu’en 2019) ;
  • Une procédure ou instrumentation de référence (références de radiothérapies).

En pratique, chaque laboratoire du réseau national de la métrologie française est dépositaire des références nationales de son domaine : il est maître du développement de ces références (dans la limite des moyens qui lui sont accordés au niveau financier ) et le garant de son maintien dans la durée.

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Banc de la référence nationale pour la candela
Partie du banc de la référence nationale pour la candela au LNE-LCM/CNAM
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Horloge strontium
Nouvelle génération d’horloge optique au strontium © Observatoire de Paris / LNE-SYRTE

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans certains cas, en fonction d’une utilité publique ou d’orientations politiques, des références spécifiques, en plus de celles correspondants aux sept grandeurs de base sont développées et maintenues autant que de besoin.

C’est le cas de certaines unités dérivées, comme l’hygrométrie ou de la débitmétrie, nécessaires aux industriels d’appareils de climatisation ou de réfrigération. C’est encore le cas de l’industrie nucléaire et de la radiothérapie qui nécessitent une multitude de références en termes de mesure de la radioactivité et de la dosimétrie.

A retenir

  1. Disposer de références est indispensable pour s’assurer des résultats fournis par des instrumentations.
  2. Les références disposant des meilleures incertitudes à l’échelle française sont celles délivrées par le réseau français de métrologie.

Evaluer des incertitudes

La comparaison étant établie avec une référence disponible, on accède à la valeur numérique recherchée de la grandeur considérée, via l’instrument qui permet la quantification. Cependant, une incertitude subsiste.

Cette dernière quantifie en fait le doute (ou l’erreur) que l’on a évalué en préalable à la mesure de la

Sans incertitude, on comprend que toute comparaison de deux résultats n’a pas de sens. Il s’avère alors réalisation de celle-ci.périlleux, sans incertitude, de garantir l’adéquation à des spécifications ou à des impératifs (sanitaires, industriels, climatiques...).

 

Cette incertitude est liée aux opérations de mesurage et prend en compte tous les paramètres qui peuvent induire une erreur sur la valeur finale : du choix de la référence à la gamme de mesure, en passant par les conditions expérimentales. Toute une série de paramètres doivent être précisément analysés avant d’établir ce qui s’appelle un « bilan d’incertitudes » qui permet de calculer l’incertitude globale de la mesure.

A titre d’exemple, voici le bilan d’incertitude type que l’on peut dresser lorsque l’on souhaite mesurer une fraction molaire de vapeur d’eau dans un gaz étalon avec un comparateur de masse. Les paramètres qui entrent dans la procédure de la mesure sont listés dans la seconde colonne (masse molaire, débit d’azote, volume molaire….) et puisqu’il n’existe pas de relation de corrélation entre eux, l’incertitude composée est la racine carrée des carrés des incertitudes pondérés par leur sensibilité. 

Exemple de bilan des incertitudes sur la mesure de fraction molaire de vapeur d’eau dans un gaz étalon

Variable (Xi) Dénomination Unité Incertitude type u(Xi) Sensibilité C(Xi) C(Xi),u(Xi)
Tx Taux de perméation g/min 1,40E-09 2,40E+08 3,37E-01
Cstab Stabilité taux de perméation g/min 1,00E-09 2,40E+08 2,40E-01
M Masse molaire H2O g/mol 2,00E-03 -3,53E+00 -7,05E-03
d Débit d’azote l/min 1,29E-02 -1,23E+01 -1,58E-01
Vn Volume molaire l/mol 1,90E-04 2,84E+00 5,39E-04
Fres H2O résiduelle nmol/mol 9,17E-02 1,00E+00 9,17E-02
Ffiltre H2O Filtre nmol/mol 5,77E-02 1,00E+00 5,77E-02

Chaque calcul d’incertitude est propre au principe de mesure considéré, et la méthode d’établissement d’un tel bilan est décrite dans le guide établi par un Comité international commun à plusieurs organisations pour les guides en métrologie, sous l’égide du BIPM : « Évaluation des données de mesure – Guide pour l'expression de l'incertitude de mesure ». Il est disponible sous sa version électronique sur le site du BIPM.

 

De manière générale, l’incertitude du résultat d'un mesurage est exprimée sous la forme d'un écart-type, qui prend en compte toutes les sources d’incertitude de mesure. On notera deux types d’incertitudes :

  • les incertitudes de type A, qui résultent d’une évaluation par analyse statistique de séries d’observations ;
  • les incertitudes de type B, qui résultent des phénomènes et propriétés physiques impliquées, des valeurs de certificat d’étalonnage ou d’autres spécifications

Le LNE met gratuitement à disposition des logiciels pour l'évaluation des incertitudes de mesure : https://www.lne.fr/fr/logiciels-bases-de-donnees.

A retenir

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Construction d'un résultat de mesure

Garantir la traçabilité

Afin de permettre une comparaison en tous lieux de deux mesures et de manière fiable, celles-ci doivent être issues d’un raccordement à une référence établie. La traçabilité joue un rôle essentiel dans la surveillance et l'appréciation de la qualité d'un produit, et est importante pour la sécurité et la protection des consommateurs. Cette traçabilité doit donc être garantie. Pour cela, une chaîne de traçabilité est définie.

 

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Schéma de la chaîne de traçabilité métrologique
Figure 2 : Schéma de la chaîne de traçabilité métrologique

 

La chaîne de traçabilité schématise la dissémination des étalons de mesure : c’est une chaîne ininterrompue de références et d’instrumentations qui garantissent le raccordement jusqu’à l’unité avec une incertitude donnée. Elle est usuellement représentée sous la forme d’une pyramide.

En haut de la pyramide se trouve la référence ultime de l’unité : sa définition.

Ensuite, le laboratoire national de métrologie qui assure la réalisation et la mise en pratique de cette définition, à l’échelle nationale, avec le meilleur niveau d’incertitude possible. Ceci est vrai pour les unités de base mais aussi les unités dérivées.

Puis, suit dans la chaîne des laboratoires accrédités qui mettent en place des instrumentations qui garantissent le raccordement ininterrompu avec la référence du laboratoire national.

De haut en bas de la pyramide, on trouve donc un nombre de raccordements de plus en plus conséquent (largeur de la pyramide), qui reflètent la quantité d’étalons de références disponibles, associés à des incertitudes de plus en plus larges.

On peut décliner cette chaîne de traçabilité pour chacune des unités du SI.

 

Cependant, bien que la haute technologie ait envahi le quotidien de tous, il n’est pas toujours utile de faire appel à des équipements sophistiqués pour réaliser une mesure. Disposer sur soi, de mesure de temps à mieux que 10-8 s ; ou mesurer la longueur d’une charpente au nanomètre près peut s’avérer à minima inutile.

 

L’incertitude requise pour une mesure donnée est d’abord celle qui répond au besoin.

Il n’est donc pas nécessaire d’effectuer des mesures directement raccordables aux laboratoires nationaux de métrologie (requête à laquelle ces laboratoires ne pourraient accéder compte tenu de leurs moyens), d’où la nécessité de disposer d’un ensemble de laboratoires, dits accrédités, permettant de réaliser ces mesures sur des champs d’application plus restreints. Afin de garantir les mesures ainsi réalisées, la notion de traçabilité est indispensable.

A retenir

  1. Avoir la garantie de réaliser une bonne mesure, c’est suivre son instrumentation et ses dérives par des étalonnages réguliers. C’est ainsi s’assurer de la traçabilité des mesures réalisées avec les étalons de plus haut niveau (national, international).
  2. Les références disposant des meilleures incertitudes à l’échelle française sont celles délivrées par le réseau français de métrologie.

Universalité des mesures et applications

Chaque nation réalise sa propre chaîne de traçabilité, généralement de manière indépendante. En France, les premiers maillons de cette chaîne sont assurés par le LNE et les autres laboratoires membres du réseau national de métrologie. Le LNE, en tant que pilote, représente la France à l’échelle internationale. Pour assurer la validité des mesures, tous les laboratoires nationaux procèdent à des comparaisons de leurs références avec leurs homologues étrangers, afin de garantir la cohérence et l’universalité de mesures à l’échelle de la planète.

Toute mesure nécessite de multiples comparaisons, afin d’en garantir la validité. Dans tous les champs de la vie quotidienne, on retrouve donc la notion de métrologie et de raccordements afin de :

  • Garantir la composition chimique de produits, et donc, leur niveau de toxicité avant leur mise sur le marché
  • S’assurer d’une production électrique conforme aux installations
  • Bénéficier de soins adéquats aux pathologies et sans risque pour les organes sains
  • Garantir des fabrications conformes aux spécifications requises
  • Garantir des transports sûrs via une télécommunication précise
  • Payer la valeur d’un produit au juste prix
  • Surveiller l’environnement et prendre les mesures adéquates pour conserver sa qualité 
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Scanner
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Ligne haute tension
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Balance
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Verre de lunettes
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GPS
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Prélèvement eau