Comme la plupart des laboratoires nationaux de métrologie, le LCM utilise un radiomètre à substitution électrique cryogénique (fonctionnant à la température de l'hélium liquide) pour réaliser ses échelles radiométriques et photométriques.

Objectifs

Améliorer les incertitudes des mesures radiométriques et photométriques actuelles par la mise en place d’un nouveau radiomètre cryogénique ;

Améliorer les incertitudes des mesures radiométriques et photométriques actuelles par sa caractérisation aux longueurs d’onde du domaine visible ;

Améliorer les incertitudes des mesures radiométriques et photométriques actuelles par son utilisation sur des domaines spectraux allant de l’ultraviolet (200 nm) à l’infrarouge (jusqu’à 4 µm) pour l’étalonnage de détecteurs de référence.

Résumé et premiers résultats

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Le radiomètre cryogénique est l’instrument de référence nationale pour la mesure de flux énergétique et tous les autres bancs de références pour les mesures des grandeurs radiométriques et photométriques y sont raccordés. Cette traçabilité est mise en œuvre en utilisant des détecteurs de transfert étalonnés en sensibilité spectrale absolue par comparaison au radiomètre cryogénique, à quelques longueurs d'onde en utilisant des faisceaux lasers. L’incertitude relative d’étalonnage des détecteurs, de type piège, utilisés comme étalons secondaires en sensibilité spectrale, est de d’ordre de 10-4 pour les longueurs d’onde du spectre visible. Pour améliorer les incertitudes des mesures radiométriques et photométriques, il était nécessaire d'améliorer l'étalonnage en sensibilité spectrale des détecteurs de transfert et notamment d’augmenter le nombre de longueurs d’onde auxquelles s’effectue le raccordement direct au radiomètre cryogénique. Il s’agissait donc de l’étendre aux domaines spectraux ultraviolet et infrarouge afin d’assurer une traçabilité des détecteurs avec une incertitude relative maximale de quelques 10-4 sur tout le domaine spectral.

Le LCM dispose depuis 2010 d’un nouveau radiomètre cryogénique. C’est un radiomètre à substitution électrique dont le détecteur fonctionne à la température de l’hélium liquide (fig. 1). Le principe de mesure du flux du rayonnement est de comparer la puissance thermique produite par le rayonnement optique dans une cavité absorbante de type corps noir à la puissance produite par effet Joule dans une résistance chauffante entourant cette même cavité. Le détecteur thermique de forme cavité est placé dans un cryostat sous vide et fermé par un hublot en silice. Les hublots utilisés permettent de couvrir la gamme spectrale entre 200 nm et 2 000 nm.

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Schéma (vue en coupe) du radiomètre cryogénique

 

1 – Banc de comparaison des détecteurs au radiomètre cryogénique

Pour obtenir les meilleures mesures de flux, il est nécessaire d'utiliser des faisceaux laser polarisés. Le flux mesurable dans des conditions optimales se situe entre 100 µW et 2 mW. Ces faisceaux lasers sont mis en forme sur une table optique et une installation complète permet la translation des détecteurs à étalonner et le radiomètre cryogénique lui-même devant le faisceau laser de mesure (fig. 2).

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Schéma du montage utilisé pour l’étalonnage des détecteurs

 

De nouvelles sources lasers ont été installées pour permettre l’extension en longueur d’onde des mesures. Le LCM dispose désormais de diverses sources lasers pour couvrir un large domaine spectral : Yag (266 nm), hélium-cadmium (325 nm et 442 nm), argon (8 longueurs d’onde entre 454 nm et 514 nm), cinq lasers hélium-néon (543 nm, 612 nm, 633 nm, 1 150 nm et 1 523 nm) et une source laser accordable (sur la base d’un laser titane-saphir qui couvre à lui seul le domaine spectral entre 600 nm et 900 nm puis par doublage en cavité externe, permet d’obtenir des raies entre 390 nm et 405 nm). Un banc optique a été monté pour réaliser un oscillateur paramétrique optique (OPO) alimenté par le laser Ti-saphir ; il permet de couvrir le domaine spectral infrarouge entre 1 µm et 3,5 µm.

2 – Caractérisation du nouveau radiomètre cryogénique

La mesure pratique du flux énergétique se fait par la réalisation de l'équivalence puissance électrique – puissance optique. Mais celle-ci ne peut pas être réalisée parfaitement. Et, même en travaillant à des températures cryogéniques, ce qui réduit considérablement les principales causes d’erreur, il est nécessaire d’appliquer un certain nombre de corrections à la mesure directe de la puissance faite par le radiomètre cryogénique (PRC), comme indiqué dans l’équation (1) :

 

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où        Popt  est la puissance transportée par le rayonnement,

            N  est le facteur qui prend en compte la non équivalence entre les deux modes de chauffage,

            t  est le facteur de transmission du hublot d'entrée du radiomètre,

            r  est le facteur de réflexion résiduelle sur le hublot,

            a  est le facteur d'absorption de la cavité absorbante du rayonnement.

La caractérisation du nouveau radiomètre consiste principalement en l'étalonnage électrique du dispositif de mesure de la puissance et en la détermination des corrections à appliquer avec les incertitudes les plus faibles possibles, pour pouvoir effectuer des mesures de puissance optique avec une incertitude type relative de quelques 10-5. Du point de vue optique, ces corrections résultent du facteur de transmission du hublot du radiomètre cryogénique et du facteur d’absorption de sa cavité : ces 2 facteurs ne sont pas exactement égaux à 1 et ils varient suivant la longueur d'onde. Il est donc nécessaire de mesurer ces deux facteurs aux longueurs d'onde lasers du visible, utilisées avec le précédent radiomètre, puis d'étendre ces mesures aux nouvelles longueurs d'onde lasers qui sont mises en place.

Étalonnage électrique du radiomètre cryogénique

Comme indiqué précédemment, la mesure de la puissance du rayonnement optique est réalisée à partir de la mesure d'une puissance électrique. Le dispositif utilisé pour générer et mesurer la puissance électrique fournie à la résistance chauffante pour chauffer électriquement la cavité absorbante du radiomètre cryogénique est un dispositif autonome, et il est nécessaire de l’étalonner périodiquement pour assurer sa traçabilité aux unités électriques.

La procédure d'étalonnage consiste à étalonner les gains des amplificateurs et à mesurer les offsets des amplificateurs du circuit de chauffage, à l'aide d'une tension de référence et d'une résistance étalon de 1 kW (elles-mêmes raccordées aux étalons électriques nationaux). Une seconde procédure est ensuite utilisée pour vérifier que la puissance électrique est mesurée correctement. Celle-ci consiste à chauffer électriquement la cavité, à lire la puissance électrique mesurée numériquement par le module d’acquisition du radiomètre lui-même, et à la comparer à la puissance mesurée analogiquement à l'aide d'un circuit électrique externe. Ce dernier utilise un voltmètre et la résistance étalon de 1 kW.

La vérification a été effectuée pour différents niveaux de puissance prédéterminés, ce qui a permis de vérifier le fonctionnement des différents éléments du module de mesure. L'écart relatif obtenu entre les mesures des deux puissances, est égal à quelques 10-5, il est du même ordre de grandeur que la répétabilité des mesures. L’incertitude type relative associée à cet étalonnage électrique est estimée à 2×10-5.

Mesure de la correction de non-équivalence de chauffage dans le radiomètre cryogénique

La cavité a été conçue de façon à réduire le facteur de non-équivalence à un niveau négligeable. Il faut cependant s'assurer que cette propriété est bien vérifiée. Pour cela, la cavité est équipée de deux résistances chauffantes, l'une placée sur le fond de la cavité, l'autre à l'opposé près de la fenêtre d’entrée du faisceau. La vérification s'effectue en chauffant la cavité alternativement par l'une ou l'autre des résistances. Grâce à un système de basculement entre les deux résistances chauffantes, on peut, dans la pratique, mesurer le flux d’un faisceau laser alternativement avec chacune des deux résistances. La correction de non-équivalence de chauffage est déduite du rapport des deux réponses du radiomètre cryogénique. Ce rapport a été trouvé égal à 1,000 00 avec une incertitude type estimée à 2×10-5.

Mesure du facteur d’absorption de la cavité absorbante du radiomètre (fig. 3)

Une sphère intégratrice est utilisée pour mesurer le rayonnement diffus qui ressort de la cavité, lorsqu'elle est éclairée par un faisceau laser. Cette sphère comporte trois trous : un trou d'entrée pour le faisceau laser incident, un second diamétralement opposé sur lequel sont placés alternativement la cavité ou un étalon de blanc, et un troisième pour placer un détecteur de rayonnement. Le facteur de réflexion de la cavité est obtenu à partir des signaux délivrés par le détecteur, avec respectivement la cavité et l'étalon de blanc placés sur la sphère, corrigés de la lumière diffusée par la sphère, et le facteur de réflexion de l'étalon de blanc.

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Cavité absorbante du nouveau radiomètre cryogénique

 

Les mesures ont d’abord été faites pour cinq longueurs d’onde du domaine visible et comparées aux données du constructeur.

Pour mesurer le facteur d'absorption dans d'autres domaines spectraux (ultraviolet, proche infrarouge), et pour faciliter les mesures sur tout le domaine spectral du fait des très faibles signaux mesurés, un nouveau montage a été étudié avec une nouvelle sphère intégratrice (diamètre de 50 mm et diamètre du port de sortie de 7 mm, plus adapté à celui de la cavité absorbante) équipée de deux types de détecteur pour couvrir le domaine spectral allant de 190 nm à 2 600 nm et d’un étalon de blanc en Spectralon facilement repositionnable.

Les mesures du facteur de réflexion de la cavité du radiomètre cryogénique ont alors été poursuivies à d'autres longueurs d'onde, d'abord dans le domaine visible puis dans l'ultraviolet et le proche infrarouge. Toutes les mesures ont permis de déterminer le facteur d’absorption de la cavité aux longueurs d’onde de mesure et elles ont mis en évidence que la correction à apporter aux mesures de flux faites avec le nouveau radiomètre cryogénique était de l'ordre de 2×10–5.

Mesure du facteur de transmission du hublot du radiomètre

Le cryostat du radiomètre cryogénique est fermé par un hublot en silice. Pour minimiser les pertes par réflexion, ce hublot est ajusté à l'incidence de Brewster, et l'emploi de faisceaux lasers polarisés permet d'avoir une transmission très voisine de 1. Cependant, cette transmission peut être une source d'erreur importante qui limite l'exactitude des mesures. Elle doit donc être connue avec une incertitude aussi faible que possible. Il est nécessaire de mesurer directement la transmission du hublot utilisé pour les mesures, de la vérifier aux longueurs d’onde de mesure et de le faire à chaque fois que le radiomètre est utilisé.

Pour faire cette étude, le hublot du radiomètre cryogénique a été démonté et mis en place sur le montage spécifique (fig. 4) déjà utilisé pour le hublot du radiomètre précédent. Ce montage a été installé à côté du radiomètre cryogénique, sur la table de translation utilisée pour comparer les détecteurs au radiomètre. La table de translation permet d’amener ou de retirer le hublot du faisceau laser afin de mesurer, à l’aide d’un détecteur piège placé derrière, respectivement le flux transmis et le flux direct. La transmission du hublot est définie comme étant le rapport des deux flux obtenus avec et sans hublot. Une photodiode placée sous le hublot permet également de mesurer la réflexion spéculaire résiduelle qui subsiste.

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Montage de mesure du facteur de transmission du hublot

 

Les mesures du facteur de transmission et du facteur de réflexion du hublot ont été effectuées après avoir surmonté de nombreuses difficultés dues finalement à des variations de la puissance du faisceau au cours de la mesure. Les mesures de la transmission ont été faites avec une incertitude relative de 2×10-5 à 3×10-5.

3 – Bilan des incertitudes liées au fonctionnement du  radiomètre cryogénique

La correction globale, à appliquer à la mesure du rayonnement optique donnée par le radiomètre cryogénique, est composée par les différentes corrections citées précédemment. Celles-ci sont données ci-après, à titre d’exemple pour la longueur d’onde de 633 nm, avec les incertitudes qui leur sont associées :

Source d'erreur

Correction

Incertitude type relative

Absorption de la cavité

0,999 98

1×10-5

Transmission du hublot

0,999 88

2×10-5

Réflexion sur le hublot

0,000 034

0,4×10-5

Non-équivalence chauffage

1,000 00

1×10-5

Étalonnage électrique

1,000 00

3×10-5

Répétabilité des mesures

1

3×10-5

Correction globale

0,999 83

5×10-5

La répétabilité des mesures de la puissance effectuée par le radiomètre cryogénique est également indiquée elle est globalement de 3×10-5 et dépend essentiellement de la stabilité du faisceau laser. Dans le cas présenté, l’écart relatif entre la valeur mesurée et la valeur supposée exacte est de 1,7×10-4, et l’incertitude type globale sur la mesure de la puissance estimée à 5×10-5.

Le nouveau radiomètre cryogénique a été utilisé pour vérifier l'étalonnage en sensibilité spectrale absolue des détecteurs pièges étalons secondaires. Ces étalonnages ont été effectués à plusieurs longueurs d'onde comprises entre 458 nm et 825 nm, alors qu'avec l'ancien système, les mesures n'étaient effectuées que dans le domaine visible. En même temps que les détecteurs du LCM, un détecteur piège du PTB a été étalonné en sensibilité spectrale absolue. Les écarts entre les valeurs obtenues et celles transmises par le PTB pour toutes les longueurs d'onde mesurées, sont inférieurs aux incertitudes, ce qui valide l'installation et l'utilisation de ce nouveau radiomètre cryogénique. De plus, cette étude valide l'extension du domaine spectral vers le proche infrarouge. La métrologie française dispose donc maintenant d'une nouvelle référence pour le domaine des rayonnements optiques, et comme la chaîne de mesures associée à cet instrument a entièrement été renouvelée au cours de ces dernières années, elle dispose maintenant d'un système opérationnel et fiable pour plusieurs années, pour continuer à assurer le maintien au meilleur niveau métrologique des références radiométriques et photométriques. La caractérisation du radiomètre cryogénique à de nouvelles longueurs d'onde laser se poursuit, notamment dans les domaines ultraviolet et infrarouge.

 

Impacts scientifiques et industriels

Amélioration des incertitudes d’étalonnage des détecteurs utilisés en radiométrie-photométrie et, en conséquence, amélioration de la traçabilité des mesures industrielles pour les mesures de rayonnements optiques, des caractéristiques des sources lasers ou à spectre large, des détecteurs/radiomètres/photomètres et des propriétés optiques des matériaux optiques (transmission, réflexion) en amplitude et en longueur d’onde.

Publications et communications

COUTIN J.-M. et ROUGIÉ B., “Measurement of the absorptance of the new cryogenic radiometer cavity from the ultraviolet to the near infrared range”, 12th International Conference on New Developments and Applications in Optical Radiometry (NEWRAD 2014), Aalto, Finlande, 24-27 juin 2014, proceedings 209-210.