Dans le domaine de la dosimétrie des rayonnements photoniques d’énergie inférieure à 300 keV, la connaissance de la distribution énergétique des photons émis par les sources constitue un paramètre qu'il est important de connaître. En effet, dans le cadre de la chaîne métrologique existant entre les Laboratoires Nationaux, les Laboratoires d'Étalonnage Accrédités et les utilisateurs, il est indispensable de s'assurer que les faisceaux utilisés par chaque laboratoire sont rigoureusement similaires.

Objectifs

Métrologie primaire : Amélioration des facteurs de correction affectés aux mesures réalisées avec les chambres à parois d’air du LNE-LNHB utilisées sur les rayonnements pulsés d’imagerie médicale, étude de l’incertitude associée à chaque spectre corrigé et étude de son impact sur les facteurs de correction et les coefficients de conversion.

Normatif : Détermination des coefficients de conversion du kerma dans l’air vers les grandeurs opérationnelles utilisées en radioprotection.

Transfert aux utilisateurs : Développement de faisceaux adaptés à l’étalonnage d’appareils utilisés en radiothérapie de basse et moyenne énergie et en radiologie interventionnelle.

Contexte et résultats

Dans le cas d’un champ de rayonnement à énergie continue (spectre de tube à rayons X), la méthode classiquement utilisée pour caractériser le faisceau correspond à la détermination expérimentale de la valeur de la couche de demi-atténuation (CDA) au moyen de différents jeux de filtres additionnels. Malheureusement, cet indicateur associé à la haute tension du générateur est limité en matière de précision. Il n’est pas suffisant pour définir de manière univoque toutes les caractéristiques du faisceau. En effet, à une valeur de CDA et/ou d’énergie moyenne mesurée peuvent correspondre plusieurs faisceaux. De ce fait et pour lever toute ambiguïté, il s’est avéré important de pouvoir disposer d’une technique complémentaire, robuste et précise pour caractériser ces faisceaux.

C’est ainsi que le LNE-LNHB s’est orienté depuis 2010 vers la caractérisation de ses faisceaux à l’aide de bancs de mesure utilisant des détecteurs à semi-conducteur directement placés dans l’axe des faisceaux. Ce choix technique nécessite, d'une part, une bonne maîtrise de la mise en oeuvre des moyens de détection afin de limiter les perturbations issues des flux de photons importants à mesurer, et d'autre part, une grande expertise dans l’exploitation des spectres. Pour mener à bien ce type de mesure, des détecteurs étalonnés en énergie, en rendement de détection, en réponse spectrale, et présentant un bon comportement à forts taux de comptage sont nécessaires. Des méthodes complexes de traitement doivent être utilisées afin de corriger tous les phénomènes de diffusion et de déformation des spectres liés aux processus d’interaction des photons dans et au voisinage du détecteur. En pratique, il s’agit pour ces méthodes de déduire du spectre mesuré le spectre véritablement émis par la source de rayonnement.

A l’issue de ce travail de recherche et développement, le LNE-LNHB a mis en oeuvre tous les outils nécessaires à la mesure des spectres d’émission photonique de ses faisceaux de référence de rayonnements X. L’intégralité de la gamme d’énergie comprise entre 10 keV et 300 keV a été couverte et l’ensemble des faisceaux de référence du LNE-LNHB a été mesuré à l’aide d’un détecteur à semi-conducteur du type CdTe. Des algorithmes de correction des spectres mesurés ont été développés. Ils ont permis de corriger les zones déformées des spectres dues aux différents processus de détection et d’aboutir aux spectres réellement émis par les tubes à rayons X.

Ce procédé de mesure spectrométrique permet, in fine, de vérifier les émissions de rayonnement X des générateurs de rayonnement en offrant la possibilité de vérifier la haute tension (kVp), les raies X de fluorescence (anode ou autres composants), le domaine d’émission (seuil bas en énergie).

Les mesures des spectres ont permis de calculer les nouveaux termes correctifs appliqués aux mesures de courant réalisées avec les chambres à parois d’air. Cela a permis d’améliorer les références du LNE-LNHB en termes de débit de kerma dans l’air pour les faisceaux à émission continue ou en kerma dans l’air pour les faisceaux utilisés en imagerie médicale. Cette amélioration est particulièrement sensible pour la gamme des basses énergies (E < 50 keV) pour laquelle la forme du spectre dépend beaucoup des éléments absorbant le rayonnement dans le tube lui-même (évaporation de tungstène, vieillissement de l’anode, filtration interne).

La connaissance des spectres d’émission X a permis de calculer les coefficients de conversion du kerma dans l’air vers les grandeurs opérationnelles utilisées en radioprotection et adaptés aux faisceaux du laboratoire correspondant à la série N décrite dans la norme ISO4037-1. Un logiciel de calcul spécifique a été développé. Il permet de calculer ces coefficients à partir de n’importe quel spectre mesuré. Une étude spécifique sur les sources d’incertitude sur ces coefficients a été réalisée. Elle a permis d’abaisser les incertitudes, jusqu’à un facteur 20 pour certaine grandeur, ce qui est à comparer à l’incertitude forfaitaire de 2 % fournie dans la norme ISO4037-3.

Enfin, la compétence du LNE-LNHB à pouvoir mesurer les spectres émis par un tube à rayons X permet dorénavant de reproduire les faisceaux émis par un appareil dont les caractéristiques sont peu ou mal connues. C’est souvent le cas pour les appareils utilisés dans le domaine de l’imagerie médicale ou en radiothérapie de basse énergie. Ainsi le LNE-LNHB a déjà reproduit des faisceaux utilisés en cardiologie interventionnelle (projet Européen VERIDIC) où en radiothérapie de basse énergie (projet Européen PRISM-eBT). Ces nouveaux faisceaux non normalisés correspondent aux faisceaux réellement générés par les machines. De ce fait, les étalonnages réalisés à l’aide de ces faisceaux sont plus adaptés aux conditions réelles d’irradiation.

Dans cette optique et à très court terme, le LNE-LNHB se propose de reproduire les faisceaux utilisés sur les appareils de mammographie numérique afin d’améliorer la mesure de la dose délivrée aux patientes lors de ce type d’examen. Une collaboration avec l’hôpital George Pompidou est actuellement en cours de développement.

Impacts scientifiques et industriels

Le développement de la mesure des spectres d’émission des rayonnements X utilisés en dosimétrie, basée sur l’utilisation de détecteurs à semi-conducteur, correspond à une avancée significative dans la connaissance des faisceaux X de référence du LNE-LNHB. Les spectres ainsi mesurés et corrigés par les algorithmes développés par le laboratoire permettent une meilleure connaissance des spectres réellement émis par les installations du LNE-LNHB comparativement à ceux obtenus à l’aide de calculs déterministes ou de simulations Monte-Carlo, tel que pratiqué jusqu’à présent. Ce faisant, le LNE-LNHB anticipe l'évolution de la série de normes ISO 4037 (parues en 2019) qui introduit une caractérisation spectrométrique des champs de rayonnement à la place des indicateurs classiques (HV, CDA).

Les calculs des termes correctifs, affectés à chacune des chambres à parois d’air utilisées et permettant de définir le kerma dans l’air pour chacun des faisceaux, ne sont plus basés sur des spectres théoriques. Ils utilisent dorénavant les spectres réellement émis par les installations du LNE-LNHB, s’affranchissant ainsi de la méconnaissance du vieillissement des appareils ou de leur structure interne. Cela améliore la justesse des valeurs de référence et donc des étalonnages délivrés.

Il en va de même pour la détermination des coefficients de conversion du kerma dans l’air vers les grandeurs opérationnelles utilisées en radioprotection. L’utilisation des spectres réellement émis permet une détermination plus juste de ces coefficients ainsi qu’une précision accrue (inférieure à 1 % sur une large plage d’énergie supérieur à 30 keV). C’est l’un des axes d’amélioration qui a été réalisé dans le cadre de ce programme d’étude (les coefficients actuels sont fournis dans la norme ISO4037-3 avec une incertitude forfaitaire de 2 % à k=1).

Le développement du banc de spectrométrie portatif a conduit le LNE-LNHB à réaliser plusieurs mesures de spectres d’appareils de rayons X d’utilisateurs extérieurs au laboratoire dans différents domaines. Cela a permis, entre autre, de reproduire ces spectres au laboratoire et de proposer des faisceaux d’étalonnage adaptés aux besoins de recherche ou d’étalonnage des utilisateurs notamment pour le milieu médical.

Publications et communications

Norme ISO 4037-1 :1996 « Rayonnements X et gamma de référence pour l’étalonnage des dosimètres et des débitmètres et pour la détermination de leur réponse en fonction de l’énergie des photons – Partie 1 : Caractéristiques des rayonnements et méthodes de production »

Norme NF EN 61267 « Équipement de diagnostic médical à rayonnement X. Conditions de rayonnement pour l’utilisation dans la détermination des caractéristiques »

J. Plagnard, « Mesure de spectres en énergie de l’émission de tubes à rayons X au LNE-LNHB/LMD », Revue française de métrologie, volume 2016-3 n°43, p37-47,2016

M.J. Berger, J.H. Hubbell, XCOM “Photon Cross Sections on a personal Computer”, NBSIR 87-3597, 1987

ICRU 57 “Conversion coefficients for use in radiological protection against external radiation“, 2007

Partenaires

Société Fibermétrix (radiologie interventionnelle) 

Partenaires du projet européen «Primary standards and traceable measurement methods for X-ray emitting electronic brachytherapy and IORT devices» : CMI (République Tchèque), ENEA (Italie), NPL (Royaume-Uni), PTB (Allemagne), VSL (Pays-Bas)

Centres hospitaliers