Depuis son adoption par la CGPM en 1960, le SI a été révisé à plusieurs reprises. Cependant, la révision de 2018 présente ceci d'exceptionnel qu'elle modifie formellement toutes les définitions des unités en une seule fois, en révisant, qui plus est, de manière fondamentale, quatre d'entre elles. L'ampleur de cette révision est telle qu'elle a nécessité de nombreuses collaborations à l'échelle internationale entre de nombreux métrologues et scientifiques dans les champs les plus divers de la science.

2018 : changement de paradigme

La révision de 2018 constitue une évolution majeure du Système international d’unités (SI) tout en préservant bien sûr, l’ensemble des unités de mesure : les mêmes 7 unités de base associées aux 7 mêmes grandeurs de base ; les unités dérivées et les préfixes d’ores et déjà répertoriés ne s’en trouvent pas modifiés.

Il s’agit cependant d’une évolution conséquente et fondamentale pour les scientifiques : le socle sur lequel sont construites toutes ces unités est bouleversé. Dans un contexte industriel et médical où les mesures nécessitent une plus grande exigence (niveau d’incertitude, croisement de données de différentes grandeurs, moyens technologiques de plus en plus performants,…), il apparaît essentiel de rendre le SI encore plus cohérent qu’il ne l’est déjà. Trois raisons majeures peuvent être évoquées aisément pour étayer cette argumentation : la variation constatée sur un siècle de la valeur numérique du kilogramme étalon (prototype international du kilogramme - IPK); l’impossibilité de réaliser en pratique la définition de l’ampère ; l’indépendance des définitions entre la plupart d’entre elles.

Le principe de base de la révision du SI est de le fonder, non plus sur les unités elles-mêmes, mais sur 7 constantes de la physique : c’est le changement de paradigme de 2018. Ces constantes, que l’on appellera donc constantes de définition du SI reposent sur des phénomènes physiques de nature fondamentale, universelle (telles que h, la constante de Planck) ou sont dérivées de propriétés spécifiques (telle que l’efficacité lumineuse de l’œil). S’appuyer sur un socle de données « fixes » qui permet de bâtir le nouveau système est donc la garantie de travailler avec des mesures cohérentes dont on peut plus facilement repousser les limites (en théorie).

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SI - Constantes

Les valeurs de ces constantes ont, pour quatre d’entre elles (Planck, Boltzmann, Avogadro, charge élémentaire), nécessité un travail de longue haleine à l’échelle internationale. La métrologie nécessite de la redondance pour valider de tels changements. De multiples expérimentations ont été mises en place afin d’en figer les valeurs numériques, admises par la communauté internationale. La convergence des résultats (assurée par plusieurs conditions définies au préalable lors du lancement de ces études par le Comité Consultatif des Unités sous l’égide du BIPM), a abouti en juillet 2017 à un ensemble de valeurs numériques entérinées par CODATA et récapitulés ci-dessous.

Nom Symbole Valeur numérique Unité
Constante de Planck h 6,626 070 15 × 10-34 J∙s
Charge élémentaire e 1,602 176 634 × 10-19 C
Constante de Boltzmann k 1,380 649 × 10-23 J∙K-1
Constante d’Avogadro NA 6,022 140 76 × 1023 mol-1

Référence : “The CODATA 2017 values of h, e, k, and NA for the revision of the SI", D B Newell1, F Cabiati, J Fischer, K Fujii, S G Karshenboim, H S Margolis, E de Mirandés, P J Mohr, F Nez, K Pachucki, 29 January 2018, MetrologiaVolume 55Number 1

Définitions en 2019

Les définitions des unités de base du SI, votées à l'unanimité lors de la 26ème CGPM en novembre 2018, sont récapitulées ci-dessous. Elles sont applicables depuis le 20 mai 2019. Les valeurs de chacune des sept constantes pour la définition des unités du SI sont également précisées dans les textes des définitions.

 

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SI - seconde

Unité de base du SI : seconde
Symbole : s
Grandeur : temps
Définition : La seconde, unité de temps du SI, est définie en prenant la valeur numérique de la fréquence du césium, ΔνCs, la fréquence de transition hyperfine de l’état fondamental de césium 133 non perturbé, égale à 9 192 631 770 lorsqu’elle est exprimée avec l’unité Hz, qui est équivalente à s–1.

 

 

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SI - Le mètre

Unité de base du SI : mètre
Symbole : m
Grandeur : longueur
Définition :  Le mètre, unité de longueur du SI, est défini en prenant la valeur numérique fixée de la vitesse de la lumière dans le vide, c, à 299 792 458 lorsqu’elle est exprimée en m·s–1, la seconde étant définie en fonction de ΔνCs.

 

 

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SI - L'ampère

Unité de base du SI : ampère
Symbole : A
Grandeur : intensité de courant électrique
Définition :  L'ampère, unité de courant électrique du SI, est défini en prenant la valeur numérique fixée de la charge élémentaire, e, égale à 1,602 176 634 × 10–19 lorsqu’elle est exprimée en C, unité égale à A·s, la seconde étant définie en fonction de ΔνCs.

 

 

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SI - kilogramme

Unité de base du SI : kilogramme
Symbole : kg
Grandeur : masse
Définition :  Le kilogramme, unité de masse du SI, est défini en prenant la valeur numérique fixée de la constante de Planck, h, égale à 6,626 070 15 × 10–34 lorsqu’elle est exprimée en J·s, unité égale à kg·m2·s–1, le mètre et la seconde étant définis en fonction de et de ΔνCs.

 

 

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SI - kelvin

Unité de base du SI : kelvin
Symbole : K
Grandeur : température
Définition :  Le kelvin, unité de température thermodynamique du SI, est défini en prenant la valeur numérique fixée de la constante de Boltzmann, k, égale à 1,380 649 × 10–23 lorsqu’elle est exprimée en J·K–1, unité égale à kg·m2·s–2·K–1, le kilogramme, le mètre et la seconde étant définis en fonction de het ΔνCs.

 

 

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SI - candela

Unité de base du SI : candela
Symbole : cd
Grandeur : intensité lumineuse
Définition :  La candela, unité du SI d’intensité lumineuse dans une direction donnée, est définie en prenant la valeur numérique fixée de l’efficacité lumineuse d’un rayonnement monochromatique de fréquence 540 × 1012 Hz, Kcd, égale à 683 lorsqu’elle est exprimée en lm·W–1, unité égale à cd·sr·W-1, ou kg-1·m-2·s3·cd·sr, le kilogramme, le mètre et la seconde définis en fonction de het ΔνCs.

 

 

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SI - mole

Unité de base du SI : mole
Symbole : mol
Grandeur : quantité de matière
Définition :  La mole est l’unité de quantité de matière du SI. Une mole contient exactement 6,022 140 76 × 1023 entités élémentaires. Ce nombre, appelé « nombre d’Avogadro », correspond à la valeur numérique fixée de la constante d’Avogadro NA lorsqu’elle est exprimée en mol-1.

Contributions françaises

Lors de la 21ème Conférence Générale des Poids et Mesures, en 1999, la recommandation suivante a été actée par les Etats membres  : « … que les laboratoires nationaux poursuivent leurs efforts pour affiner les expériences qui relient l'unité de masse à des constantes fondamentales ou atomiques et qui pourraient, dans l'avenir, servir de base à une nouvelle définition du kilogramme…».

Plusieurs laboratoires nationaux de métrologie ont ainsi orienté leurs efforts vers une amélioration de l'incertitude de la valeur de constantes fondamentales et lancé des expériences de réalisation des unités, en particulier pour les unités relatives à la masse, l'électricité, la température et la quantité de matière.

Le réseau français de métrologie a donc démarré, dans les années qui ont suivis cette recommandation, plusieurs projets de recherche permettant à la France d'être au premier rang pour cette nouvelle redéfinition du SI. Nos travaux nationaux se sont donc concentrés sur les axes suivants.

Le kilogramme et la constante de Planck, h. 

La balance de Kibble (autrefois appelé « balance du watt ») est une instrumentation qui permet de comparer, dans deux configurations (dites statique et dynamique) deux types d’énergie : l’une électrique, dont la quantification élémentaire est la constante de Planck ; l’autre mécanique, de nature potentielle et reliée à la masse de l’objet que l’on compare.

Les équipes françaises se sont donc lancées en 2002 dans un projet de grande envergure, pour concevoir et réaliser cette instrumentation, impliquant des chercheurs du Cnam, du LNE et de l'Observatoire de Paris. Chaque équipe apportant son expertise sur les domaines scientifiques primordiaux de l’expérience : masse, électricité et magnétisme et enfin, gravimétrie. L’objectif était dans un premier temps (à échéance de juillet 2017) de contribuer à la détermination internationale de la valeur de h avec une incertitude cible de 8 x 10-8. Quatre valeurs de h ont été successivement publiées par la France entre 2014 et 2017. Le laboratoire se positionne aujourd’hui parmi les laboratoires internationaux (avec le NRC - Canada, le NIST - Etats-Unis ) qui ont contribué à la détermination actuelle de cette constante fondamentale, par l’expérience de balance de Kibble. L’objectif est aujourd’hui de réaliser la chaîne de dissémination du kilogramme en France, conformément aux missions de nos laboratoires nationaux. Des travaux ont, du reste, déjà été menés, dans le cadre du projet européen NewKilo pour évaluer l’utilisation de plusieurs matériaux comme étalon de transfert potentiel. Les études ont porté plus spécifiquement sur la physico-chimie de surface d’artefacts de différentes compositions. L’iridium semble être un bon candidat car il possède une faible susceptibilité magnétique (≃ +3.7 x 10-5) et une dureté élevée (≃ 450 Hv).

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Valeurs de la constante de Planck - h
Valeurs de la constante de Planck, h, issues des tables de CODATA 2014 et 2017

 

Référence : “Data and analysis for the CODATA 2017 special fundamental constants adjustment*” Peter J Mohr, David B Newell, Barry N Taylor and Eite Tiesinga,
MetrologiaVolume 55Number 1

 

 

 

 

 

 

 

Le kelvin, via la détermination de la constante de Boltzmann, k :

Deux méthodes ont été explorées par les laboratoires français. La méthode spectroscopique par le Laboratoire de Physique des Lasers et la méthode acoustique par le Laboratoire commun de métrologie.

Le LNE-LCM a publié 4 valeurs de la constante de Boltzmann, dont la dernière, en 2017 est le meilleur résultat obtenu à l’échelle internationale : 1,380 648 78 J·K-1 avec une incertitude inférieure à 6 10-7.

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Valeurs de la constante de Boltzmann - k
Valeurs de la constante de Boltzmann, k, issues des tables de CODATA 2014 et 2017

 

Référence : “Data and analysis for the CODATA 2017 special fundamental constants adjustment*” Peter J Mohr, David B Newell, Barry N Taylor and Eite Tiesinga,
MetrologiaVolume 55,Number 1

 

 

 

 

 

 

 

La traçabilité à l’ampère : 

Jusqu'à la révision de sa définition en 2018, la réalisation stricto-sensus de l’ampère n’était pas faite, sa définition la rendant irréalisable (conducteurs infinis, de sections négligeables, dans le vide…). La réalisation pouvait se faire via le farad, l'ohm et le volt. Les découvertes de l'effet Hall quantique et de l'effet Josephson, respectivement pour les mesures de résistances et de tensions, ont révolutionné la métrologie électrique. Des étalons électriques ont été mis en œuvre, depuis de nombreuses années, utilisant ces dispositifs quantiques, et déjà liés aux constantes fondamentales e et h. Toutefois, l'universalité de ces phénomènes devait être prouvée. Pour rendre sa cohérence au système, les équipes du LNE ont travaillé à cette nouvelle définition, en étudiant la détermination directe de la constante de von Klitzing (RK) par la réalisation d’un nouvel étalon calculable de Thompson-Lampard à cinq électrodes. Ces développements ont ainsi permis de démontrer la faisabilité de l’opération. Le développement de cette instrumentation se poursuit aujourd’hui dans le cadre de la mise en place d’une chaîne de comparaisons d’impédances performante : cet ensemble permettra une détermination directe du farad, puis de l’ohm en unités SI.

Par ailleurs, la mise en pratique de la nouvelle définition de l’ampère pourra être réalisée en utilisant un étalon quantique de courant. Les équipes françaises poursuivent actuellement leurs développement d’une source quantique de courant électrique (entre 10 pA et 100 pA) avec une exactitude de l’ordre de 10–7 en valeur relativeCe fut également l’objectif du projet européen EMRP Qu-Ampere, achevé en avril 2015 et auquel le LNE a contribué en étudiant de nouvelles pompes à électrons et en développant un nouveau comparateur cryogénique de courants (CCC).

Perspectives au-delà de 2019

Les instances internationales envisagent d’ores et déjà de futures améliorations aux définitions du SI, en particulier pour la candela et la seconde. Aujourd’hui, la seconde est définie à partir d'horloges atomiques à atomes de césium qui opèrent à des fréquences micro-ondes (autour de 9 GHz). Les recherches scientifiques ont démontré que plus on montait en fréquence, plus on arrivait à diminuer l'incertitude de mesure sur la fréquence. L’étape suivante, pour la réalisation de l'unité de temps, est l'amélioration de l'exactitude par les développements très prometteurs d'horloges, cette fois-ci dans le domaine des fréquences optiques (quelques centaines de THz), horloges à atomes neutres ou à ions. La France, pour sa part, développe deux types d'horloges à atomes neutres de Sr et de Hg. De telles expériences devraient améliorer de plus d'un ordre de grandeur la définition de la seconde.