Le LNE-SYRTE possède 6 horloges atomiques situées au meilleur niveau mondial : 3 horloges dans le domaine des fréquences micro-ondes (césium, et césium/rubidium pour l’une d’entre-elles), ayant une exactitude de 2 à 4×10-16 et une stabilité de quelques 10-14τ-1/2, et 3 horloges dans le domaine des fréquences optiques (2 au strontium et 1 au mercure) dont l’exactitude est maintenant proche de 10-17. Les développements successifs de ces horloges nécessitent des comparaisons régulières pour être validés au niveau métrologique, tant au niveau de la stabilité que de l’exactitude.

Les besoins du laboratoire LNE-SYRTE étaient donc de disposer de moyens de comparaison de fréquences dans le domaine optique, fonctionnant en continu et de manière quasi autonome.

Objectifs

Mesure de manière permanente des références de fréquences optiques du laboratoire, sans dégradation de stabilité et exactitude. 

Référencement aux étalons primaires des liens optiques fibrés existant entre le LNE-SYRTE et les laboratoires distants raccordés par lien fibré.

Génération d’un signal micro-onde utilisable comme oscillateur local pour les fontaines atomiques du laboratoire.

Résumé et premiers résultats

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Laser femtoseconde au LNE-SYRTE.

Dans le contexte de plus en plus probable d’une nouvelle définition de la seconde basée sur une transition dans le domaine optique, assurer le suivi sur le long terme de cette nouvelle génération d’horloges permettra d’identifier leurs limites possibles et d’assurer la continuité du système SI.

De plus, afin de contribuer, sur de grandes échelles de temps, à des expériences de physique fondamentale (par exemple rechercher une possible dérive des constantes fondamentales, mener des tests d’invariance de Lorentz), ces moyens de comparaisons doivent pouvoir être utilisés sur une base quasi continue. Un exemple frappant est le suivi du ratio strontium/césium, qui a débuté il y a 15 ans et auquel participent désormais 6 laboratoires en plus du LNE-SYRTE, qui a d’ores et déjà permis de borner une éventuelle dérive des constantes fondamentales à mieux que 10-16/an. Il était donc crucial, dès 2011, de développer une structure pérenne afin d’avoir accès, à la demande, aux rapports de fréquence entre toutes les références du laboratoire.

Le projet SAMIROF avait donc pour vocation d’établir une architecture permanente et fiable pour connecter entre elles les 6 horloges atomiques du laboratoire et leur permettre de se comparer à distance à d’autres horloges, tout en s’adaptant au contexte de divers projets du laboratoire, en perpétuelle évolution. Il repose principalement sur le développement des chaînes de mesures de fréquence optique à l’aide de lasers femtosecondes.

Le travail a porté sur le bruit (stabilité) et sur l’exactitude (contrôle des biais dans les mesures de fréquence). Le dispositif développé est basé sur un peigne de fréquences, véritable « règle graduée » dans l’espace des fréquences, par rapport à laquelle il est facile de mesurer la fréquence des horloges atomiques. Le travail a été divisé en 2 parties bien distinctes : la connexion des horloges à cette chaîne, la fiabilisation et l’automatisation des mesures d’une part, et la validation des connexions et des performances métrologiques d’autre part.

Lors de la première phase, des liens optiques fibrés pour relier les différents oscillateurs ont été développés. Puis une grande partie du travail mené a été dédiée à l’automatisation du dispositif afin de vérifier par logiciel la validité de tous les paramètres. Après l’aménagement de la chaîne dans une salle dédiée, un réseau informatique local a été mis en place, il permet de communiquer avec le peigne de fréquence, l’ensemble des synthétiseurs de fréquence ajustables et les enregistreurs de données.

 

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Lors de la deuxième phase, des logiciels de contrôle ont été programmés au laboratoire pour contrôler l’acquisition de données, les valider « à la volée » et les sauvegarder sans délai. Les multiples boucles d’asservissement analogiques nécessaires au fonctionnement d’une telle structure sont désormais surveillées par des systèmes digitaux qui ouvrent les boucles en cas de perte de verrouillage, recentrent les signaux et referment les boucles. Cet ensemble d’évolutions permet d’acquérir désormais un grand nombre de données sans avoir à les valider manuellement a posteriori. Ainsi, au fur et à mesure des développements, de nombreux exercices opérationnels ont eu lieu, en moyenne 3 par an. Ils ont permis de confirmer la réalité des performances métrologiques (accord au niveau de quelques 10–17 entre les horloges à atomes de strontium lors de comparaisons à distance LNE-SYRTE – PTB), et de démontrer que le Uptime (pourcentage du temps pendant lequel toute la chaîne fonctionne) atteignait désormais un chiffre supérieur à 95 %. Cette excellente fiabilité ouvre la perspective de disposer d’oscillateurs optiques dont la phase serait continuellement maîtrisée, ce qui pourrait permettre de réaliser les premiers prototypes d’échelles de temps purement optiques. Ces progrès ont d’ores et déjà permis au LNE-SYRTE d’être le premier laboratoire mondial à contribuer au TAI (Temps Atomique International) avec une calibration optique, pour simple observation pour le moment, effectuées par les deux horloges strontium du laboratoire.

Le projet SAMIROF a permis de s’adapter au contexte lié aux progrès des horloges et des moyens de comparaison, notamment la mise en fonctionnement, en 2015, du premier lien fibré international permettant de disséminer une porteuse optique ultrastable. Dans cet exemple, SAMIROF est le système qui fait la connexion entre les horloges du laboratoire et le lien fibré, et donc toutes les autres horloges qui y sont connectées.

Dans les années à venir, la pérennité de l’architecture développée va permettre de poursuivre les comparaisons, avec plusieurs objectifs :

  • contribution à des tests de physique fondamentale (invariance de Lorentz, possible dérive des constantes fondamentales...),
  • mesures pour les sciences de la Terre (détection d’anomalies géologiques ou sismiques),
  • participation aux travaux pour une possible redéfinition de la seconde SI (suivi à long terme des horloges et comparaisons des horloges optiques par rapport aux horloges micro-ondes).

Avec ses 6 horloges atomiques, conçues sur la base de quatre espèces différentes (césium, rubidium, strontium et mercure) et connectées en permanence par la chaîne SAMIROF, le LNE-SYRTE est l’un des tout premiers contributeurs sur le plan mondial au processus de révision de la définition de la seconde.

Impacts scientifiques et industriels

  • Mesure des rapports de fréquences entres toutes les horloges du LNE-SYRTE et des laboratoires externes.
  • Comparaisons d’horloges par lien fibré de grande distance (>1000 km),
  • Automatisation des traitements des mesures avec envoi de rapports très régulièrement permet de fournir un service de suivi à long terme de la stabilité des horloges comparées.

Publications et communications

ZHANG W., LOURS M., FISCHER M., HOLZWARTH R., SANTARELLI G. et LE COQ Y., “Characterizing a fiber-based frequency comb with electro-optic modulator”, IEEE Transactions on Ultrasonics, Ferroelectrics, and Frequency Control, 59, 2012, 432.

ZHANG W., LI T., LOURS M., SEIDELIN S., SANTARELLI G. et LE COQ Y., “Amplitude to phase conversion of InGaAs PIN photodiodes for femtosecond lasers microwave signal generation”, Applied Physics B: Lasers and Optics, 106, 2012, 301.

LISDAT C., GROSCHE G., QUINTIN N., SHI C., RAUPACH S.M.F., GREBING C., NICOLODI D., STEFANI F., AL-MASOUDI A., DÖRSCHER S., HÄFNER S., ROBYR J.-L., CHIODO N., BILICKI S., BOOKJANS E., KOCZWARA A., KOKE S., KUHL A., WIOTTE F., MEYNADIER F., CAMISARD E., ABGRALL M., LOURS M., LEGERO T., SCHNATZ H., STERR U., DENKER H., CHARDONNET CH., LE COQ Y., SANTARELLI G., AMY-KLEIN A., LE TARGAT R., LODEWYCK J., LOPEZ O. et POTTIE P.-E., A clock network for geodesy and fundamental science”, Nature Communications, 7, 12443 , 2016, ArXiv:1511.07735.

LODEWYCK J., BILICKI S., BOOKJANS E., ROBYR J.-L., SHI C., VALLET G., LE TARGAT R., NICOLODI D., LE COQ Y., GUÉNA J., ABGRALL M., ROSENBUSCH P. et BIZE S.,Optical to microwave clock frequency ratios with a nearly continuous strontium optical lattice clock”, Metrologia, 53, 2016, 1123ArXiv:1605.03878.

TYUMENEV R., FAVIER M., BILICKI S., BOOKJANS E., LE TARGAT R., LODEWYCK J., NICOLODI D., LE COQ Y., ABGRALL M., GUÉNA J., DE SARLO L. et BIZE S., “Comparing a mercury optical lattice clock with microwave and optical frequency standards”, New Journal of Physics, 18, 2016, 111003, ArXiv:1603.02026.

GOBRON O., JUNG K., GALLAND N., PREDEHL K., LE TARGAT R., FERRIER A., GOLDNER P., SEIDELIN S. et LE COQ Y., “Dispersive heterodyne probing method for laser frequency stabilization based on spectral hole burning in rare-earth doped crystals”, Opt. Express, 25, 2017, 15539-15548.

DELVA P., LODEWYCK J., BILICKI S., BOOKJANS E., VALLET G., LE TARGAT R., POTTIE P.-E., GUERLIN C., MEYNADIER F., LE PONCIN-LAFITTE C., LOPEZ O., AMY-KLEIN A., LEE W.-K., QUINTIN N., LISDAT C., AL-MASOUDI A., DÖRSCHER S., GREBING C., GROSCHE G., KUHL A., RAUPACH S., STERR U., HILL I.R., HOBSON R., BOWDEN W., KRONJÄGER J., MARRA G., ROLLAND A., BAYNES F.N., MARGOLIS H.S. et GILL P., “Test of special relativity using a fiber network of optical clocks”, Phys. Rev. Lett., 118, 2017, 221102, arXiv:1703.0442.

GUÉNA J., WEYERS S., ABGRALL M., GREBING C., GERGINOV V., ROSENBUSCH P., BIZE S., LIPPHARDT B., DENKER H., QUINTIN N., RAUPACH S.M.F., NICOLODI D., STEFANI F., CHIODO N., KOKE S., KUHL A., WIOTTE F., MEYNADIER F., CAMISARD E., CHARDONNET CH., LE COQ Y., LOURS M., SANTARELLI G., AMY-KLEIN A., LE TARGAT R., LOPEZ O., POTTIE P.-E. et GROSCHE G., First international comparison of fountain primary frequency standards via a long distance optical fiber link”, Metrologia, 54, 2017, 348, ArXiv:1703.02892v2.

LE TARGAT R., LORINI L., GUROV M., ZAWADA M., GARTMAN R., NAGÓRNY B., LEMONDE P. et LODEWYCK J., “Comparison of two Strontium optical lattice clocks in agreement at the 10-16 level”, 26th European Frequency and Time Forum (EFTF), Göteborg, Suède, 24-26 avril 2012.

Projets associés

Développement d'une horloge optique à atomes de mercure

La limite d’exactitude prévisible des fontaines atomiques autour de 10-16, l'avènement des peignes de fréquence optique ouvrant des perspectives considérables à la métrologie des fréquences optiques et le potentiel de surpasser très largement les fontaines atomiques "classiques" avec une nouvelle génération d’horloges dans le domaine optique ont conduit  le LNE-SYRTE à s'engager dans le développement d'une  horloge optique à atomes de mercure, avec l'objectif d'atteindre une exactitude de quelques 10-17, voire même de s'approcher de 1